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Ma vie des autres (126)
Courts récits de 1000 signes. 126 : spleen au balcon. Et voilà un jour de plus à broyer du noir. La déprime me tombe dessus sans prévenir. Je ne cherche pas à détecter les signes avant-coureurs, tellement j'ai l'habitude de prendre tout avec sérénité. Je reste zen la plupart du temps. Rien ne transperce ma carapace de bonne humeur apparente, sauf un jour comme aujourd'hui où je suis abattu avant même d'avoir levé le petit doigt. Il paraît que chaque personne est en état dépressif, en moyenne, au moins quatre fois par an. C'est grosso modo mon score. Je me méprise, je me sens inutile au monde et j'ai bien sûr des envies suicidaires. C'est chronique et il faut faire semblant de ne pas le laisser paraître. Je ne peux pas étaler mon spleen en public. Je serais ridicule si je consultais un psy. C'est dur de vivre sans confident. Je dois laisser pourrir mon mal de vivre en moi. Je ne peux pas non plus quémander le moindre antidépresseur. On jaserait et ce serait la fin des haricots. Je laisse passer comme un mal au ventre. On m'aide à enfiler ma robe pontificale. On pose sur ma tête la calotte blanche. Et c'est reparti pour un tour. Face à moi qui réprime une envie de m'enfouir sous ma couette, la place Saint Pierre est noire de monde.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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