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Ma vie des autres (128)
Courts récits de 1000 signes. 128 : une rencontre incroyable. Je me réjouis. Je revis même depuis que je sais que je dois partager ma chambre spéciale avec la célébrité de notre région. Mon mal s'estompe. Je dois dire que je me suis administré une bonne dose de morphine. Je veux être en forme pour accueillir celui qui a été une idole dans ma jeunesse. C'est drôle de le voir finir dans le même service que moi, avec la même pathologie. Je ne me fais pas d'illusion sur mes chances de guérison. Quand on aboutit ici, c'est que le terminus n'est pas loin. On a préparé l'autre lit médicalisé. Certes, je ne lui demanderais pas de pousser la chansonnette pour me faire plaisir. S'il est comme moi, il doit avoir du mal à s'exprimer. J'aimerais lui faire comprendre que je l'admire et que j'ai suivi sa carrière depuis ses débuts. Je lui montrerai mes poèmes au cas où il serait intéressé. Un artiste comme lui doit toujours être à la recherche d'un bon parolier. Maladie dégénérative ou pas, c'est le genre à travailler jusqu'à son dernier souffle. Moi, il me reste combien de temps à vivre en soins palliatifs ? Une semaine ? Un mois ? Je serais le plus heureux des hommes si je pouvais finir en beauté en associant mon nom, sur une partition, à celui de ce grand monsieur de la chanson.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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