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Ma vie des autres (135)
Courts récits de 1000 signes. 135 : catastrophe annoncée. Ils ne doivent pas s'étonner de me voir revenir les manches retroussées. Ils me regardent cette fois. Ils me fixent tellement que j'en ai des frissons. Pas besoin de discours ; ils ont compris l'objet de mon retour. D'habitude, ils me repoussent. Ils ne m'attrapent pas directement pour m'éjecter de leur périmètre. Ils me regardent avec condescendance. Je capte leur mépris. À part un bonjour lâché du bout des lèvres, ils n'ont rien à me dire. Ils ne tiennent ni à me parler, ni à être vus en ma compagnie. Ils me font comprendre que je les révulse autant qu'un paquet de merde. Depuis le temps qu'ils jouent ce jeu avec moi, j'ai appris à déchiffrer leurs véritables intentions sous leurs mimiques de singes bien éduqués. Il est vrai que je n'arrive pas à trouver mes mots, ce qui m'oblige la plupart du temps à rester muet. Leurs conversations m'intimident et je n'ai jamais d'idée intéressante à développer, quel que soit le sujet. Je suis affligé également d'une tare physique sur laquelle je n'aime pas m'étendre. J'ai décidé qu'aujourd'hui, il était temps qu'on arrête de me tenir à distance. Équipé d'un grand sabre de samouraï, je vais symboliquement couper les ponts. On appelle ça un kata, un kata quelque chose, clysme ou strophe, je n'en sais rien, cata en tout cas.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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