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Ma vie des autres (141)
Courts récits de 1000 signes. 141 : la fin des haricots. Je n'ai pas d'autre solution que de hocher la tête. La spécialiste me regarde en parlant dans son magnétophone. Elle résume mon cas à l'intention de mon généraliste. Je me demande si c'est une secrétaire qui ensuite va taper la lettre, ou si le logiciel de dictée vocale s'occupe de tout. Elle parle vite. Je comprends à peine un mot sur dix. Après les causes, les conséquences. Suit le traitement envisagé. J'ai dit oui à tout ce qu'elle m'a dit. Les examens sont mauvais, mais rien n'est perdu. Je mémorise son cabinet de consultation comme si je venais pour la dernière fois. Elle aime les plantes et le rangement. Pas de désordre dans ses dossiers. Tout est à sa place. Je suis entre de bonnes mains. Son service est dans un autre bâtiment de la clinique. C'est là-bas que je la verrais la prochaine fois. Tout est programmé. Je découvre pour la première fois que quelqu'un d'autre détient le calendrier de mon existence. En franchissant le seuil du cabinet de consultation, en ce jour de printemps humide, je suis devenu une personne en voie de disparition. Tout le monde y passe. Je ne peux qu'accepter. Il ne sert à rien de se débattre. La spécialiste termine sa mise au tombeau. Je pense à du slam. Je l'accompagne au saxo avec le souffle de mon désarroi retenu.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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