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Ma vie des autres (144)
Courts récits de 1000 signes. 144 : plein les poches. À peine j'ai mis en place dans mon troquet le système de jeux de casino avec les trois machines à sous, qu'ils me sont tombés sur le paletot. Séverin m'avait dit que ce serait du gâteau. Les joueurs parient de grosses sommes en utilisant les bandits manchots. Officiellement, ils glissent un euro à chaque partie, mais moi, j'encaisse cent fois, voire mille fois plus, selon l'appareil choisi. Les vainqueurs encaissent bien sûr des sommes conséquentes, en tout cas sans commune mesure avec le paquet de pièces qui tombent quand ils alignent trois images identiques. Tout ça a lieu discrètement, à l'insu du reste de la clientèle. Je partage les gains avec Séverin qui me loue les machines. Avec la bande dont il fait partie, il assure la sécurité, selon le contrat. Ses copains tiennent le quartier sous leur coupe. J'aurais pu dormir tranquille sur mon matelas de billets qui n'en finit pas de s'épaissir, si ces deux messieurs guillerets ne s'étaient pas accoudés à mon comptoir pour me réclamer quatre-vingt-dix pour cent de ma part sur les jeux d'argent. Ils m'ont montré leur carte de police. Je leur ai servi un petit muscadet.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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