Contenu
Ma vie des autres (145)
Courts récits de 1000 signes. 145 : une sale nuit. Je n'ai pas besoin de forcer, je suis vraiment triste. Aube a disparu. J'accompagne son père au commissariat. J'explique au policier qui nous prend en charge que j'ai fêté avec elle un anniversaire chez un copain de notre promotion. Nous sommes ensemble, Aube et moi, depuis la rentrée. Elle habite chez ses parents. Moi, je suis dans une résidence pour étudiants. Nous sommes repartis bien après minuit, à pied. J'étais ivre. Elle aussi, je crois. À un moment, je me suis arrêté pour pisser. Lorsque je me suis retourné, elle n'était plus là. Je l'ai appelée. Je l'ai cherchée. Quand j'en ai eu marre, je suis rentré me coucher. Le policier me tend la déclaration à signer. J'enlève mon gant machinalement. C'est plus pratique pour tenir le stylo. J'avais oublié les plaies qui couvraient mon poing. Je suis tenu de donner une explication. Je bafouille que j'ai fait du bricolage dans mon studio et que ça s'est mal terminé. J'ai l'impression de ne pas convaincre. Je baisse la tête. Deux autres policiers nous ont rejoints. Une envie de pleurer monte en moi. Après m'avoir informé de mes droits, on m'annonce que je reste en garde à vue.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
Blog de Jan Thirion
Liens : Jan Thirion
