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Ma vie des autres (158)
Courts récits de 1000 signes. 158 : une partie de cache-cache à trois. Je suis un invisible. J'ai changé de nom. Je n'ai pas d'adresse. J'ai une boîte postale à Paris pour le courrier qui m'est réexpédié de manière secrète. J'ai quitté ma femme. Je ne la revois plus. Heureusement, nous n'avons pas eu d'enfant. Depuis quatre ans, je vis avec Abel et Léna, en permanence. Je ne fais pas un pas sans eux. Ils surveillent l'endroit où je réside quelque part dans le sud du pays. Ils m'accompagnent au travail comme en vacances. Je les ai comme gardes du corps depuis que planent sur moi des menaces de mort émanant d'intégristes religieux, suite aux propos stupides que j'ai tenus dans les médias. Au début, mes deux agents de sécurité étaient amants. Tout allait bien. J'aimais bien les regarder s'entraîner aux arts martiaux dans mon salon. Ils m'ont initié au maniement du pistolet. Mais, depuis, ils ont cassé. J'en suis en partie responsable, puisque Léna est devenue ma maîtresse et qu'Abel se trouve obligé désormais de tenir la bougie. Je ne sais pas s'il est fiable en tant que gorille cocu. Léna et lui se font la tête. Ils ne s'entraînent plus ensemble. Dans l'état où ils sont, ils me paraissent bien moins vigilants que par le passé. Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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