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Ma vie des autres (188)
Courts récits de 1000 signes. 188 : surmenage en construction. Je suis épuisé, mais enfin la journée est terminée à ce que je crois. À peine j'arrive chez moi que Marga me crie par la fenêtre de la cuisine que j'ai un coup de fil. Je sors d'une réunion houleuse. Je suis en passe de remettre à des calendes grecques l'extension du cinéma, par la faute d'un voisin chicaneur qui conteste la hauteur du bâtiment. Tout allait trop bien jusqu'à présent. En tant qu'architecte, je sais qu'on n'est jamais sûr de rien, même une fois le travail accompli. D'un seul claquement de doigts des autorités, tout peut être redémoli pour non-respect de conformité. Je grimpe les escaliers. On ne m'appelle pas sur mon portable que je prends la précaution de couper lorsque la journée est finie. Mais, ça ne gêne pas les emmerdeurs de me joindre sur ma ligne privée. Ils se moquent bien de respecter mon temps de repos. Ils m'imaginent disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Marga me dit de me dépêcher. Elle grimace en me tendant le combiné du fixe. Je reprends mon souffle et crache un oui de la manière la plus autoritaire que je peux. J'aimerais que mon cri coupe court à la conversation. Or, dans la seconde, je rends les armes en reconnaissant le babillage de mon petit-fils de deux ans.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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