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Ma vie des autres (192)
Courts récits de 1000 signes. 192 : un mensonge prémonitoire. Dans la boîte, pour ne pas céder aux avances incessantes de Rosetta du pôle financier, je lui avoue qu'il ne faut rien attendre de moi. Je lui fais comprendre que je suis impuissant. C'est la seule manière que j'ai trouvée de sauver mon couple. Rosetta ne me poursuit plus, mais désormais tout le monde est au courant. On jase dans mon dos. On se moque aussi de moi directement. Les gars me méprisent pour mon manque de virilité et me le font comprendre. Quant aux femmes, elles rigolent entre elles sur mon passage. Il m'est difficile de revenir sur mes propos et d'expliquer mes raisons. Il me faudrait faire une démonstration de ce que j'avance en baissant mon froc en public. Quoi que j'envisage de faire, je serai humilié. Ce n'est pas en allant voir le DRH que je résoudrai le problème. À la maison, Fanny, ma compagne, ne m'aide pas non plus. Elle n'en démord pas. Je suis un idiot qui n'aurait pas dû raconter des sornettes pareilles. Pour couronner le tout, ce malaise que j'éprouve désormais au travail me met le moral à plat, et ma libido en prend un coup. Je n'assure plus avec Fanny. Je me demande si je ne suis pas en train de devenir ce que j'ai fait semblant d'être pour m'en sortir. Mou du genou. Très mou du genou.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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