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Ma vie des autres (193)
Courts récits de 1000 signes. 193 : jour de gloire. Après une queue interminable, j'entre avec Diana dans une salle qui ressemble à un théâtre à l'italienne. Mon fils et sa copine japonaise nous ont laissés nous débrouiller avec les billets de réservation qu'ils nous ont offerts en cadeau. Je ne comprends rien à ce qui se dit autour de nous. Je suis incapable de lire ce qui est écrit sur les affiches. C'est la première fois que nous venons au Japon voir notre fils. Ils nous ont parlé de théâtre en nous entraînant ici pour nous y laisser. Depuis, je sais que nous allons assister à un ballet d'hommes outrageusement costumés et maquillés qui vont s'affronter par des chants en secouant leurs crinières. La salle est pleine. Sur un côté de la scène, la loge est remplie de geishas en vêtements traditionnels. Deux hommes habillés normalement se présentent pour ouvrir la séance. Ils font rire le public, obligeant à faire se lever les uns et les autres à tour de rôle. Quand ils m'aperçoivent au fond de mon siège, entre eux et moi s'instaure un dialogue complexe non dénué de bonne volonté. À la fin, j'arrive à leur faire saisir que je viens de France. Il m'arrive alors une chose inoubliable. Moi qui ai vécu toute ma vie dans l'ombre au fond de la campagne périgourdine, j'ai le droit à une standing ovation du public japonais dans le temple du kabuki au cœur de Kyoto.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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