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Ma vie des autres (198)
Courts récits de 1000 signes. 198 : un peu d'énervement. L'après-midi a bien débuté, mais maintenant je suis dans une colère noire. Marina m'a accompagné à l'expo photos avec le petit et belle-maman en visite. À la sortie, j'ai marchandé le prix du catalogue d'exposition. Je l'ai obtenu à moitié prix sous le regard énervé de Marina qui déteste que je me comporte comme un pingre. Sur le retour, pour se venger, elle m'a demandé d'acheter des gâteaux. Rien de tel pour me faire exploser. Les économies que j'ai réussi à faire avec le catalogue partent en fumée. Elle sait que j'ai horreur de jeter l'argent par les fenêtres. J'ai été les chercher, ces gâteaux, en fulminant. En présence de la belle-mère, je me contrains d'être un père vertueux. Marina me met le gamin dans les bras. Je ne sais comment le tenir. Il est pénible à gigoter en permanence. Je me retrouve tout de travers avec lui, à monter, à descendre sans arrêt sur le rocking-chair récupéré chez Emmaüs. Marina en a encore après moi. Elle veut que je retourne au magasin. Il manque des œufs et du jambon pour la quiche que doit faire belle-maman. La bouche pleine de biscuit et le cou tordu, j'explose, mais ma colère ne sort pas. Je m'étouffe avec le gâteau. Je lâche notre bébé. Je m'épuise à essayer de tousser. Ni Marina, ni sa mère ne savent pratiquer la manœuvre de Helmlich pour contrer l'asphyxie.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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