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Ma vie des autres (219)
Courts récits de 1000 signes. 219 : camping toute l'année. Je ne dis rien. Je baisse la tête. Je ne veux pas qu'on me frappe et qu'on m'engueule comme une bête puante. Le gendarme qui parle n'a pas l'air de rigoler. Il parle sèchement et impose au gros et à la grosse de baisser le ton. D'habitude, ce sont eux qui crient le plus fort et qui ont toujours raison. Je me fais le plus petit possible devant ma minuscule caravane délabrée. C'est ici que je vis depuis plus de vingt ans, depuis que je suis au service du gros et de la grosse pour lesquels je travaille dans leur ferme pour rien pour ainsi dire. Ils disent que ça compense le loyer de la caravane. Les gendarmes m'ont trouvé par hasard. Ils enquêtent sur des cambriolages dans la région. Ils ont vu comment je vivais. Ils m'ont posé des questions. Je n'ai pas su quoi répondre. Je me broie les doigts. Je le fais toujours quand je suis mal à l'aise. J'anticipe sur la dérouillée que je vais prendre quand les gendarmes partiront. Le gros et la grosse vont me torturer pour me punir. Mais, mon désarroi doit se voir, car le gendarme me met une main sur l'épaule et me dit que mon état d'esclave est terminé. Son collègue téléphone à un service social pour qu'on vienne me chercher. J'emmènerais bien Bobby le vieux chien, mon seul copain, mais il est au gros et à la grosse.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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