Courts récits de 1000 signes. 223 : une pause-pipi avec des points sur les i. Je n'attends pas longtemps. Limousin entre dans les toilettes. À part moi, il n'y a personne. Il me regarde de haut et fait comme si je n'existais pas. Même en pissant, il se croit supérieur aux autres. Dès qu'il me tourne le dos, je lui fonce dessus. Il n'a rien vu venir, alors q'il aurait pu lire ma haine dans mon regard mauvais. Je lui fais une clé au bras qui le tord de douleur. Pour peu, on entendrait l'articulation craquer, mais j'arrête la prise juste avant de lui briser le coude. Limousin hurle en sourdine. Il n'en mène pas large. Je lui explique que c'est pour lui faire comprendre que je n'ai pas aimé qu'il me traite comme un chien devant les collègues. Ce n'est pas parce que lui passe à l'antenne qu'il doit mépriser les techniciens. On n'est pas ses sous-fifres même si on ne parle pas dans un micro. Je préfère directement m'entretenir avec lui plutôt que de passer par la hiérarchie ou le DRH. Je connais le résultat. On me rirait au nez, on balaierait ma plainte, c'est moi qui serais viré. Qu'est-ce que je suis à côté d'une vedette de la télé ? Avant de le relâcher, je vérifie qu'il a bien saisi qu'à partir de maintenant il devait être poli avec moi et me respecter. Ce n'est pas difficile de s'entendre. Je lui tiens la porte des toilettes en sortant et je lui souhaite une bonne émission en direct. Il a dix secondes pour retrouver le sourire médiatique.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.Jan Thirion
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Par La Rédaction