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Ma vie des autres (242)
Courts récits de 1000 signes. 242 : une ordure qui vaut de l'or. On ne peut pas dire que ce que je fais est un sport de gentleman. Si je pouvais m'en passer, je ne serais pas le plus malheureux. Fouiller les poubelles pour pêcher de quoi survivre, personne n'aime vraiment. La zone où je traîne n'est pas gâtée par le sort. Je ne m'attends pas avant le passage des éboueurs à trouver parmi les sacs d'ordures des fringues de style, des chaussures en croco et de la nourriture intacte sous emballages. Je dois me méfier de la concurrence. Devant un reste de carcasse de poulet rôti, des SDF affamés peuvent se transformer en jihadistes fous. Dans ma vie précédente, c'était moi qui sortait les poubelles. Penser à cette période bénie me sert de réchaud la nuit. Mais ce matin, autre chose m'occupe. Je me demande s'il s'agit de ce fameux coup de pouce que le ciel est censé fournir à ceux qui le méritent. Je crois être un clodo exemplaire après avoir été un employé modèle dans mon entreprise et un bon père de famille. Cette poubelle anodine m'offre sur un plateau un pistolet magnum comme dans les films, des cartouches et une grenade. Il ne me manque que la cagoule et je suis équipé pour remonter la pente. Comme quoi la rue peut créer des vocations.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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