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Ma vie des autres (262)
Courts récits de 1000 signes. 262 : chambre funéraire. Un sale courant d'air s'engouffre avec moi dans la maison et fait claquer une fenêtre. Je reviens de l'extérieur avec une couronne et je découvre la chambre mortuaire éclaboussée de lumière. Ma sœur a ouvert la fenêtre et relevé le volet électrique. Son regard dépité va de la vitre cassée à ma présence sur le pas de la porte. Je me retiens de lui crier dessus. Pendant qu'elle court chercher une pelle et un balai pour nettoyer les débris de verre sur le sol, je me précipite sur mon grand-père couché. Une grosse mouche noire se promène sur son visage. Je la chasse, elle revient. Je ne supporte pas qu'elle se pose sur Papy Clément. Il avait horreur des insectes et m'a communiqué sa phobie. La peur d'attraper une infection par contact ou par contamination alimentaire le mettait hors de lui. Dès l'arrivée du printemps, il était en guerre contre les diptères, alors qu'il considérait les araignées comme ses alliées. Par contre, moi, je ne suis toujours pas à l'aise avec les araignées. Puisque la mouche s'incruste dans la pièce, j'emballe la tête de mon Papy dans une taie d'oreiller à motif floral. J'enroule également les mains nouées sur son abdomen dans du Sopalin. Tout irait bien si un morceau de verre long comme un bras ne lui avait pas sectionné le pied.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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