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Ma vie des autres (266)
Courts récits de 1000 signes. 266 : conflit d'immeuble. J'ai l'air de quoi en pyjama avec le gendarme dans mon salon ? Cet infernal retraité du cinquième a porté plainte, suite à notre discussion au cours de la réunion des copropriétaires de vendredi. Parce que monsieur est délégué départemental d'une association de consommateurs, il se croit permis de tout superviser dans la résidence. Tout doit être conforme à ce qu'il pense. Si on a le malheur de le contrarier, il brandit lois et règlements qu'il potasse jour et nuit. Les concierges sont ses premières victimes. On ne les garde jamais très longtemps. Je l'ai enguirlandé quand la veille j'ai vu dans l'ascenseur la lettre anonyme, composée de grosses lettres de journal, scotchée au-dessus d'une souillure au sol qui n'avait pas été encore nettoyée : "SALE !". J'ai tout de suite compris qu'il en était l'auteur. À la réunion, même le syndic s'écrase face à ce vieux schnock qui n'arrête pas de parler. J'ai osé le défier, je lui ai jeté sa lettre anonyme à la figure et je lui ai dit que la prochaine fois je lui casserai la gueule. Je me suis emporté pour la bonne cause. J'ai vu les autres m'approuver. J'aurais dû penser qu'il porterait plainte. Au bout du compte, je me récolte un avertissement des forces de l'ordre. On n'en reste malheureusement pas là, car pris d'un soudain coup de sang, je saute à la gorge du gendarme en criant à l'injustice.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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