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Ma vie des autres (268)
Courts récits de 1000 signes. 268 : départ raté. Quand la sirène retentit, je m'effondre intérieurement. Le boucan, l'agitation autour de nous, et son doudou qu'on lui a pris met mon petit Ricou dans le même état que moi. Je le porte dans les bras, mais lui, il ne se contente pas de serrer les dents et de pester contre l'infortune, il chiale pour de bon cette fois, et ça crispe davantage ceux qui l'entendent, alors qu'ils sont déjà sur les nerfs avec les menaces d'attentat dans le hall d'embarquement de l'aéroport. Ils voudraient l'étouffer ce mioche qui leur casse les oreilles, comme s'il était lui-même un terroriste. D'ailleurs, c'est justement la peluche de Ricou qui déclenche à présent l'alarme du détecteur de métaux. Les contrôleurs et les policiers m'encadrent. Je ne vois pas comment je pourrais m'échapper avec mon Ricou qui fait sa crise. Je dois dire que je l'ai enlevé à sa mère parce qu'elle a magouillé, la sale vache, pour me sucrer le droit de garde et même le droit de visite. En l'emmenant avec moi dans mon pays, je l'aurai à moi, rien qu'à moi et nous pourrons vivre heureux, mon fils et moi. Mais, manque de bol, il faut que je tombe le jour choisi par des terroristes pour faire une action. Je m'en veux vraiment d'avoir planqué dans le lapin de Ricou les ciseaux avec lesquels j'ai tué sa mère lors de notre dispute.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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