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Ma vie des autres (274)
Courts récits de 1000 signes. 274 : plainte au magasin. Je déboule dans la boutique plus enragé que jamais. Tant pis si j'explose ma pile cardiaque. Autant crever ici et leur laisser mon cadavre dans les pattes, ils seront bien embarrassés. Je balance les boîtes et les flacons sur le comptoir, et je dis que je veux voir le grand patron pour lui coller un procès. Les aphrodisiaques qui sont vendus dans ce temple de l'amour ne fonctionnent pas et, pire, ils agissent inversement sur le résultat escompté. Ils coupent la libido, conséquence des effets secondaires qu'ils occasionnent. Quel que soit le stimulant absorbé, je suis HS dans les minutes qui suivent, avec maux de tête et tous les dérèglements physiques que l'on peut imaginer, mais rien au niveau de l'érection promise. Je ne veux pas que l'on me rembourse. Je veux récupérer ce qu'il me restait de virilité quand j'ai franchi pour la première fois le seuil de ce magasin. J'ai un âge où il me restait assez de flux pour profiter des plaisirs de la chair de temps en temps. Par la faute de ces produits mensongers et toxiques, je suis devenu une loque. Ma poupée gonflable ne me sert plus à rien. Les vendeurs m'éjectent sur le trottoir. Je leur fait bien comprendre que je ne leur ferai pas de la publicité.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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