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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Jean-Charles Provost
Paris : 10-18, octobre 2010
756 p. ; 22 x 13 cm
ISBN 978-2-264-04789-2
Un catalogue des passions exacerbées !
Anna a quitté sa ville de Nicée pour Constantinople avec Simonis et Léon, ses serviteurs. Anna est travestie en eunuque. Elle a pris le prénom d'Anastasius et copie son attitude sur celle de Léon. Si son stratagème était découvert, elle serait châtiée. Elle a entrepris cette équipée pour venir en aide à Justinien, son jumeau. Si elle a choisi de maquiller sa féminité, c'est pour pouvoir questionner, fréquenter toutes les catégories sociales sans attirer l'attention.
Sa première visite est pour l'évêque Constantin qui a pris la défense de Justinien. Il lui révèle que ce dernier a été reconnu complice du meurtre de Bessarion Comnène et qu'il est exilé. La victime était un adversaire acharné de l'union avec l'Église de Rome. Mais Justinien était, aussi, opposé au rapprochement des deux Églises.
Les débuts de l'enquête sont difficiles. Anna n'a pas les bons interlocuteurs. Quand elle est appelée pour soigner les brûlures de Zoé Chrysaphès, elle entrevoit une avancée. Zoé, qui garde une grande beauté, a un réseau de relations exceptionnelles dans les hautes sphères de Constantinople. Enfant, elle a vu les croisés piller la ville, violer, tuer, brûler. Depuis, elle ne vit que pour se venger.
Peu à peu, Anna rassemble des éléments. C'est l'empereur qui a commué, pour Justinien, la peine de mort en exil. La complicité de son frère dans le meurtre lui semble de plus en plus contestable. Constantinople, qui retrouve une partie de ses splendeurs passées, attise les convoitises, réveille les ambitions tant du doge Tiepolo de Venise, du pape Grégoire X que de Charles d'Anjou, roi de Sicile. Autour de Zoé et d'Anna, c'est la lutte pour le pouvoir.
Le Doge voit dans l'équipement de la flotte qui transportera la prochaine croisade voulue par le pape, une source abondante de profits. Il envoie Giuliano Dandolo espionner. Celui-ci, arrière-petit-fils de doge qui fut à l'origine du saccage de Constantinople, rencontre Anna à Sainte Sophie. L'herboriste, auprès de qui elle se sert, pour ses médicaments, perce son déguisement. Si lui l'a fait, d'autres le peuvent. Zoé poursuit son parcours vengeur. La guerre politique s'intensifie, avec Anna de plus en plus impliquée. Peut-elle continuer ses recherches sans, à un moment, être broyée par les forces en présence ?
Anne Perry délaisse les brumes de l'Angleterre victorienne et ses héros habituels, le couple Thomas et Charlotte Pitt ou William Monk, pour de nouveaux personnages vivant sur les bords de la Méditerranée. Elle choisit de placer le cœur de son intrigue dans le Constantinople de 1274. La ville panse encore ses plaies après le saccage de 1204, lors de la quatrième croisade et l'occupation par les Francs. Les descendants sont revenus d'exil et Michel VII Paléologue règne sur ce qui reste de l'empire Byzantin.
L'auteur relate le parcours de deux femmes, leur rencontre puis la lutte de chacune pour atteindre son but. Anne Perry s'attache aux pas de ses deux héroïnes, aux profils bien différents, qui consacrent toute leur énergie à l'objectif qu'elles se sont fixé. Si l'une soigne, met son talent à maintenir en vie, l'autre ne pense qu'à détruire les responsables de destructions. L'antinomisme n'est toutefois qu'apparent, car elles utilisent les mêmes armes pour parvenir à leurs fins. Elles sont, dans leur quête, complémentaires, voire complices.
Autour d'elles, Anne Perry fait défiler, comme dans une ronde endiablée, une théorie de protagonistes où elle mêle, avec brio, personnages authentiques et acteurs imaginaires. Elle introduit, dans le cours de son intrigue un foisonnement de détails, de précisions sur l'organisation de la cité, sur le quotidien des habitants, sur la structure et la composition des sociétés qui constituent la population de Constantinople. L'auteur entraîne son lecteur à visiter d'autres villes selon les déplacements des certains de ses personnages comme Venise, Rome, Naples, Lyon... Elle s'attache à définir le contexte, le cadre où évoluent ses personnages, les incidences diplomatiques, religieuses qui gouvernent leurs vies. Elle prend en compte la situation géopolitique de cet empire aux portes de l'Islam et au contact des hordes perses. Elle démonte les clivages économiques, les relations entre finances et religion, entre soif de richesse et de conquêtes.
Elle mène, ainsi, en parallèle, un remarquable travail d'historienne et d'auteur d'intrigues fouillées aux rebondissements innombrables. Elle décrit les odeurs, les couleurs, la lumière et ses effets changeants sur la ville et sur les soieries.
L'action du roman s'étale sur neuf années, ressuscitant un rythme du temps où les voyages, la circulation de l'information, l'application et la réaction aux décisions avaient une dimension bien différente de celle que l'on nous impose aujourd'hui.
Du sang sur la soie illustre à merveille la capacité d'Anne Perry à changer radicalement d'univers, tout en conservant son art du récit, son talent à créer et à mettre en scène des personnages marquants et son imagination pour des intrigues magnifiquement orchestrées. Un livre d'une haute élégance par une grande dame du roman policier historique.
Citation
Mais seule la haine la motivait, la vision mille fois répétée de la vengeance, délicieuse, lente et totale.