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Moi, ça m’énerve ! Pas vous ?
© Thomas Salva
10 octobre 2010 -
Je pensais en écrivant ce billet d'humeur au dernier livre d'Elizabeth George (Presses de la Cité), à Karine Giebel (rééd. Fleuve Noir) et à James Ellroy (Rivages).
Non mais, rendez-vous compte, des auteurs qui écrivent, qui pondent des pavés genre œufs d'autruche alors qu'ils pourraient se contenter de nous livrer des œufs de poules élevées en plein air ! C'est vrai quand même ! Des auteurs, hommes et femmes, qui livrent à leurs éditeurs et forcément à leurs lecteurs des romans qui s'étirent sur six cent cinquante, sept cent cinquante ou mieux (pire) huit cent cinquante pages, se rendent-ils compte qu'ils participent à la déforestation ? Non ! D'accord, des éditeurs nous affirment qu'ils impriment sur du papier recyclé, comme pour les essuie-tout jetables. Moi, je veux bien, mais je ne crois pas. Et puis se rendent-ils compte que ces pavés, ce n'est pas évident à lire surtout dans le lit ? C'est vrai, quoi ! Le lecteur ne sait pas comment s'installer. Il tient le livre à bout de bras, ou sur la poitrine, selon son degré de vision, ou alors il se couche sur le côté, handicapé pour tourner les pages, bref il se lasse, les bras lui en tombent des épaules, le pavé lui écrase la poitrine, à moins que fatigué il s'en serve comme oreiller. Mais les coins lui coincent les cervicales alors il le repose à terre, et il est complètement réveillé par le mouvement de rotation, donc il cherche un dérivatif afin de pouvoir s'endormir, il reprend le livre posé délicatement sur la descente de lit, se déplace les vertèbres lombaires et se demande si cela vaut le coup de lire alors qu'en regardant béatement la télévision placée au pied de son lit il n'aurait juste que l'effort à faire pour l'éteindre en appuyant sur le bouton adéquat de sa télécommande.
Et puis, l'auteur qui écrit six cent cinquante, sept cent cinquante, huit cent cinquante pages, se rend-il compte que le lecteur qui va plancher sur le même bouquin durant, mettons une semaine, pourrait dans le même laps de temps en lire trois, quatre ou cinq ? Pouvons nous affirmer dans ce cas que l'auteur qui écrit, prenons une moyenne de sept cent cinquante pages, est un égoïste qui s'accapare les feuillets au détriment de ses collègues et confrères, ainsi que les heures consacrées à la lecture ? Car en général, celui ou celle qui, suivez je l'ai déjà dit, écrit x-pages, met dans l'ombre les autres écrivains qui peinent à noircir deux cents pages, et en plus deux cents pages intéressantes. Enfin deux raisons qui ne plaident pas en faveur de ces papivores : d'abord ils utilisent toute leur énergie et leur imagination en pure perte. S'ils s'étaient contentés de proposer deux cent cinquante pages, ils gardaient en réserve des personnages, des scènes, des histoires, qu'ils pourraient utiliser dans d'autres romans, genre feuilleton où l'on retrouve des protagonistes, où l'on s'attache à eux, et gain net ils ont trois ou quatre romans qui leur rapportent le triple qu'ils ont touché pour un seul. Et pensez au traducteur, souvent ce sont des auteurs étrangers, mais pas que, qui planchent pour un maigre forfait sur ce type de bouquin alors qu'ils pourraient en traduire le quadruple. Et le lecteur qui pourrait en lire le quadruple dans le même temps, ce qui par voie de conséquence, l'empêche d'acheter des romans écrits par d'autres. Bon, je sais pour trois ou quatre euros de plus le livre il a trois ou quatre fois le nombre de pages à lire. Mais moi ça m'énerve, pas vous ?
Paul Maugendre
Blog Mystère Jazz
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Par La Rédaction