Contenu
Un traître à notre goût
Grand format
Inédit
Tout public
Didier Weill (lecteur)
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Perrin
Paris : Audiolib, septembre 2011
12 p. ;
ISBN 9782356414052
Un écrivain au Carré
Antigua, aux Caraïbes. Perry, trente ans, professeur de littérature à Oxford, est un athlète accompli mais tiraillé par des doutes, sincères ou non, quant à son avenir : il songe ainsi à renoncer à Oxford, dont il vient de refuser un poste permanent. Gail, sa petite amie, espère bien qu'il n'en fera rien. Pour l'heure, ils jouent un double sur le central huppé de l'île. Qu'ils gagnent. Grâce à Perry surtout. Un quinquagénaire russe, Dima, qui vient de le voir jouer, exprime le désir autoritaire de lui disputer un match. Perry accepte. L'homme fascine, de vulgarité. Bling-bling jusqu'au bout des ongles, exhibant une quincaillerie du plus extraordinaire mauvais goût. Un être brutal en outre, tout le contraire de Perry en somme, sorti tout droit de la Russie post-soviétique gangrenée par cette mafia singulière des "Vory", anciens détenus de la Kolyma qui ont conservé de leurs années de bagne la hargne de vivre contre le reste du monde, à commencer par leurs compagnons de détention.
On le voit : c'est notre histoire, veule, avilie, que John Le Carré s'apprête à nous conter, celle de Présidents grossiers élus pour servir des classes fortunées qui leur font boire la coupe de leur indécence jusqu'à la lie. Un monde sorti des clameurs du mur de Berlin abattu dans une nuit de liesse, aussitôt prostituées à la domination d'un capitalisme financier livré sans vergogne à lui-même pour nager dans les eaux troubles de la corruption des banques et du blanchiment de l'argent des sales guerres menées depuis au nom d'une prétendue défense de la démocratie.
Piégés, Perry et Gail. Piégés par ce maffieux rustre et brutal. C'est du moins ce que l'on peut croire à la fin du premier chapitre, que le suivant vient battre en brèche, semant le doute à propos de ce jeune couple trop bien élevé pour jouer les naïfs. On avance du coup à reculons, se confondant, lecteur, d'avoir peut-être été le jouet d'un art consommé de l'intrigue qui nous a fait prendre pour argent comptant l'étonnement de Perry dans le premier chapitre. Restitué habilement comme le point de vue de l'auteur quand il n'était que celui du personnage adroitement masqué pour nous entraîner d'emblée sur de fausses pistes.
Une manipulation en somme, dans un récit ne cessant de confondre la plume de l'auteur sous les points de vue des personnages, épousant les sales besognes des techniques d'interrogatoire des services secrets pour mieux se jouer de nous, lecteurs. Une écriture matoise, pour exhiber la pourriture des réseaux d'espionnage, la pourriture des milieux de la finance, la pourriture des milieux politiques, des médias, des intellectuels, de tout ce monde des élites, Perry en tête, universitaire de gauche si peu à gauche, interrogés sans fard dans les sous-sols d'une maison douteuse, à Londres, par des agents levant sous nos yeux effarés une trop bonne conscience pour être honnêtes à leur tour, jusqu'à ce que le piège se referme sur nous, toujours, nous seuls, lecteurs naïfs pas assez roués au demi-mot, dans ce roman construit selon une structure d'une intelligence folle, collant littéralement à son objet, l'espionnage, qui est le monde du mot soustrait, du récit estropié, des bribes dévoilant, toujours un temps trop tard, les mensonges du récit auquel on vient de souscrire et la duplicité non seulement de tous les personnages mais de l'auteur lui-même, qui ne cesse d'abuser de sa position pour nous tromper.
Quel écrivain que ce Le Carré ! Quel bouquin que ce roman, opus de toutes les trahisons ! Lu qui plus est par Didier Weill avec un rien de ce pincé british qui incline à quelque méchant rire. Cynique, sourdement. Une lecture sacrifiant au vulgaire des voix, comme ce mauvais accent russe adopté pour mieux nous fourvoyer à donner pareillement corps à la tromperie. Une lecture d'entourloupe, qui vous balade d'une inquiétude l'autre, pour vous faire le spectateur d'un monde indéchiffrable, littéralement !
NdR -2CD MP3 - 511 Mo + 545 Mo, 12 h 50 d'écoute.
Citation
La seule chose qui pourrait encore me retenir dans ce pays, c'est une putain de révolution...