L'homme qui aimait les chiens

Cette cuisine, je la connais par cœur, je suis capable de m'y déplacer les yeux bandés. Il y a notre bloc à couteaux, à l'autre bout et hors de ma portée. Il est hélas très visible, mais je sais aussi qu'il y a un hachoir dans le tiroir derrière moi, et un maillet dans le pot qui contient les cuillères en bois. En guise de cale, un poids de cinq kilos à l'ancienne ferait un gourdin parfait, si seulement je pouvais me plier en deux pour le ramasser. Bref, il y a ici toutes les armes meurtrières possibles et imaginables, et pourtant, c'est Jamie qui a l'avantage. Il suffit d'une lame pour ça.
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Contenu

Roman - Noir

L'homme qui aimait les chiens

Politique - Historique - Assassinat MAJ lundi 26 septembre 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24 €

Leonardo Padura
El ombre que amaba a lors perros - 2009
Traduit de l'espagnol (Cuba) par René Solis, Elena Zayas
Paris : Métailié, janvier 2011
668 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-86424-755-5
Coll. "Noir - Bibliothèque hispano-américaine"

Actualités

  • 27/06 Librairie: La Machine à lire sélectionne des polars de l'été
    L'été approchant, les revues et les librairies y vont de leur sélection de l'été pour des romans que l'on lira à la plage si le temps le permet. C'est ainsi que la librairie bordelaise La Machine à lire y va de ses conseils (libre à vous de juger s'ils sont avisés) à travers un catalogue au format PDF de douze pages, dont une est consacrée aux polars. À noter que certaines rééditions sont présentes dans la rubrique "Éditions de poche" qui suit, et le focus sur les trois premiers Ross McDonald signant le retour de Lew Archer dans la très jolie collection "Totem" des éditions Gallmeister.

    Sélection polar :
    - Le Secret d'Edwin Strafford, de Robert Goddard (Sonatine) ;
    - Étranges rivages, d'Arnaldur Indridason (Métailié, "Noir") ;
    - Une terre si froide, d'Adrian McKinty (Stock, "La Cosmopolite noire") ;
    - Le Luth d'ébène, de Panagiotis A. Agapitos (Anacharsis) ;
    - Le Mort aux quatre tombeaux, de Peter May (Le Rouergue, "Rouergue noir").

    Une sélection qui offre son lot d'habitués, et une surprise aux éditions Anacharsis, prouvant là encore que les libraires sont prescripteurs. Alors, vous laisserez-vous tenter ?

    Si vous préférez les livres de poche alors citons les parutions citées :
    - L'Homme qui aimait les chiens, de Leonardo Padura (Métailié, "Suite") ;
    - Casanova et la femme sans visage, d'Olivier Barde-Cabuçon (Babel, "Noir") ;
    - L'Honorable société, de Dominique Manotti & D.O.A. (Folio, "Policier") ;
    - La Nuit la plus longue, de James Lee Burke (Rivages, "Noir") ;
    - À la trace, de Deon Meyer (Points, "Policiers").

    Avec toutes ces lectures proposées par les libraires bordelais, vous devriez être parés haut pour l'été.

    Le Choix des libraires pour cet été

    La Machine à lire
    8, place du Parlement
    33000 Bordeaux
    Tél. : 05.56.48.03.87
    Fax : 05.56.48.16.83
    Liens : Le Mort au quatre tombeaux |La Nuit la plus longue |À la trace |Étranges rivages |Étranges rivages |Arnaldur Indridason |Amy McKinnon |Peter May |Leonardo Padura |Dominique Manotti | D.O.A. |James Lee Burke |Deon Meyer

  • 03/10 Librairie: Padura à L'Attrape-cœurs
  • 03/10 Librairie: Padura, ses mille pages et Millepages

Chiennes de vies

Le coup de la petite histoire dans la grande, on connaît. Le coup des grandes histoires dans la grande relève d'un pari ambitieux que Leonardo Padura a tenu dans ce roman de plus de six cents pages. Surtout, ne pas avoir peur du poids. Du poids du livre j'entends. Le poids de l'histoire, c'est autre chose et c'est justement de cela dont il est question.

Première histoire, premier point de vue : celui de Trostki dont on suit l'exil de la Sibérie au Mexique, en passant par la Turquie, la France et la Norvège. On le voit survivre avec cette certitude que son sort ne tient qu'à un fil, ce fil tendu par le grand marionnettiste Staline. Deuxième histoire, justement, une des marionnettes de Staline : Ramón Mercader. Jeune communiste espagnol qui remet sa vie entre les mains d'un "instructeur" qui devient son mentor et n'a de cesse de changer de nom. Ramón Mercader qui fonce lui vers son destin de gloire : celui d'un homme façonné, déconstruit et reconstruit pour que se révèle en lui "un certain goût pour le mal" et qu'il découvre "le plaisir causé par la possibilité d'asservir des volontés, de faire peur, d'exercer un pouvoir sur les autres au point de les faire ramper devant soi". Si pour Aristote l'homme est un animal politique, pour Staline, l'homme est un animal dompté à sa politique. Et pendant des années, Mercader va être dressé dans un seul but : éliminer Trostski.
Le lien entre les deux récits se fait sur une plage, plusieurs décennies plus tard. C'est la troisième histoire de ce roman, celle du narrateur et seul personnage inventé : Iván. Ce dernier rencontre un homme qui se promène avec ses deux chiens et avec lequel il finit par nouer une étrange amitié. Pourquoi l'étranger lui raconte-t-il, à lui, la vie de Ramón Mercader en lui faisant promettre de garder le secret ? Qu'a-t-il à faire de l'histoire de ce criminel qui va finir par l'écraser ? Évidemment, Iván est ébloui par un phénomène d'attraction-répulsion pour cette histoire incroyable, celle-là même qui nous tient, nous, en haleine. Mais au fur et à mesure qu'il renonce, qu'il recommence et qu'il se met enfin à l'écrire, il se perd dans sa propre réalité d'écrivain cubain : "Plus qu'un perdant, j'étais un vaincu, et entre un état et l'autre, il y a - et il y aura toujours - un abîme de connotations et d'implications."

Bien entendu nous connaissons la fin, tout le talent de Leonardo Padura réside dans la manière de faire revivre ces personnages, de créer une empathie, de pousser à une compassion dérangeante. Il entraîne son lecteur dans un tourbillon de trahisons, de mensonges, d'exécutions, de propagande. Et ce triple regard : celui des hommes plongés au cœur du combat qui luttent pour un monde meilleur ou pour le pouvoir, celui de ces hommes qui commencent à douter, qui sont assaillis par la peur mais ne peuvent plus reculer ("C'est pour cela qu'on va continuer à nager, mais qu'au final, nous arriverons morts sur le rivage...") et enfin, celui désabusé et ahuri des hommes qui ont compris qu'ils ont vécu dans le mensonge, qu'ils ont tué pour le mensonge et qu'ils sont à jamais prisonniers de ce mensonge.

Citation

... au fond de leurs yeux, j'ai découvert deux sentiments que les salauds ne peuvent pas dissimuler : la peur et le mépris.

Rédacteur: Gilles Marchand jeudi 16 mai 2013
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