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Inédit
Tout public
Tableau sanglant
Les atrocités de la Seconde Guerre mondiale sont connues de tous : massacres, déportations, tueries. La liste des exactions est interminable, pour ne pas dire insoutenable. L'action un peu moins connue est la spoliation des biens des juifs par les Allemands, principalement celle des œuvres d'art enlevées des appartements abandonnés et qui bien souvent n'ont pas été restituées à leurs propriétaires à la fin du conflit pour les raisons qu'on connait, ni même à leurs héritiers. C'est ce butin d'une valeur inestimable qui est le point de départ du roman de Joseph Farnel.
Georges Lernaf est un privé, mais pas le genre de détective à s'épanouir dans la filature de la femme volage aux frais du mari présumé cocu. Lui n'a pas peur de s'attaquer à des affaires plus costaudes. Cette fois c'est un prêtre italien envoyé par le Vatican qui lui a demandé un rendez-vous. Cela concerne des toiles qui ressortiraient tout droit des caves du Saint Siège. Mais il y a encore plus étrange dans ces tableaux : leurs origines. Toutes ces peintures ont été volées à des juifs arrêtés par les Allemands quelques soixante-dix ans auparavant. Étrangement, il a l'impression de revoir faire surface une affaire récente dans laquelle il était déjà question de tableaux spoliés. Pourtant il ne saura jamais ce que le prêtre voulait lui révéler d'exceptionnel car il va être abattu en pleine rue par des inconnus sans scrupule. Dans la pagaille générale Georges Lernaf va se précipiter pour récupérer un tube tombé des mains de l'ecclésiastique brutalement expédié au paradis. Réfugié chez lui le détective va en sortir une toile ancienne représentant un homme en habit noir. Cette magnifique peinture de Frans Hals cache bien des secrets et va être l'origine d'une sombre hécatombe. Très vite il va se rendre compte que toutes les personnes impliquées sont loin d'être des enfants de chœur.
Le Butin du Vatican est un roman policier savoureux avec des dialogues aussi chargés en humour que le détective l'est régulièrement en alcool. Pour partager ses infos avec le commandant de police Émile Dujardin, champion es-catégorie du proverbe foireux, il a opté en guise de Q.G. pour une petite brasserie de quartier tenue par une prostituée reconvertie en digne tenancière. Lernaf ne refuse jamais un bon verre et il faut dire que, dans cette affaire, il coule presque autant de vin rouge que de sang. Car l'auteur ne lésine pas sur le nombre de cadavres au fil des pages, morts et bouteilles vides confondus. Il faut noter également l'atmosphère du roman car, même si l'histoire est bien implantée dans notre époque, une note rétro flotte. L'ambiance dépeinte par Joseph Farnel donne l'impression de se retrouver dans le Paris des caïds en costards à rayures et des détectives en imper mastic où l'argot était la base de leur langage fleuri aux belles expressions délicieusement imagées. Notre privé au charme titi-parigot drague à l'ancienne usant de son fort potentiel séduction sur la gente féminine. La liste de ses conquêtes va s'allonger au fur et à mesure des rencontres : sa voisine de palier spécialiste en massages très particuliers, une religieuse italienne qui pourrait faire tourner la tête à un saint, une infirmière très douée pour certains soins... Ce ne sont là que les premières à craquer sur lui, d'autres vont suivre. Mais il ne faut pas oublier de s'intéresser à l'histoire qui ne fait pas figure que de simple toile de fond. George Lernaf ne met pas longtemps à comprendre que derrière la réapparition des litigieuses peintures se cachent des organisations parallèles étrangères comme la maffia italienne ou des fanatiques religieux. Il n'en est qu'au début des entourloupes qui vont se succéder très rapidement. Le tout colle parfaitement avec la géopolitique internationale de notre époque. La plume dynamique de Joseph Farnel donne un roman alerte et surtout plaisant pour peu d'être sensible à l'ambiance des vieux petits quartiers de la Capitale, aux personnages pittoresques et à leur franc parler.
Citation
Ce n'est pas l'heure de se bourrer. On a à discuter. Il y a des morts sans tueurs, des tableaux qui se baladent sans propriétaire, des Mata Hari qui tueraient père et mère pour les récupérer. Et toi, tu ne penses qu'à boire. Elle est belle la police !