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Quand l'Iran reprend ses couleurs
Narek Djamshid est un jeune Iranien qui débarque à Téhéran, études de journalisme en poche, au moment des élections présidentielles de 2005 dans l'idée de faire quelques articles, d'interroger les habitants de la Capitale et d'en savoir plus sur ses origines.
Pour cet orphelin de mère, exilé en France et qui détient deux passeports, la société iranienne est désarmante. Sitôt arrivé, il rencontre Leila Tabihi, une féministe engagée, candidate proclamée et fille de héros. Leurs chemins les mènent au Palais où ils découvrent un meurtre qui va bouleverser leur avenir. Pour Leila, la route du pouvoir prend à ce moment fin. Pour Narek, la route du Monkerat puis, surtout, d'Evin, deux prisons où la torture est monnaie courante, s'ouvre. Mais à travers le portrait de ce grand Duduche de Narek, c'est toute une société qui est observée finement avec ses paradoxes.
On le suit dans les rues de la ville, aux abords de l'Université, à la porte de ses voisins, chez sa grand-tante arménienne et aussi dans les prisons. Partout, les langues se délient. On ergote. On se chamaille. La politique est omniprésente dans une ville où l'on sent la présence d'une grande culture et surtout l'importance de l'assimiler. La jeunesse est pleine de paradoxes. Entre dogmes établis, l'envie d'une nouvelle révolution ou celle de sauvegarder l'héritage de Khomeini, les choix sont multiples.
Au milieu de tout ça, Naïri Nahapétian revient sur la guerre contre le voisin irakien et sur ses conséquences. Cette soif de vivre ces années folles que le peuple iranien n'avait pas encore vécues. "Les bruits qui circulaient étaient de plus en plus romanesques : Téhéran, privée de Tchekhov, avait soif de mélo." Et puis l'omniprésence des Moudjahedin du peuple. Les différentes factions. Parfois leurs cruautés. L'étrange attirance que l'on ressent. Des noms qui surgissent de l'inconscient. On vit la campagne de l'intérieur avec une tentative d'explication à la future élection surprise de Mahmoud Ahmadinedjad, celui qui s'est fait tout seul. Naïri Nahapétian a écrit ce roman en français. En a fait un roman noir où la question que pose le titre n'attend pas forcément de réponse. Une écriture qui reflète la poésie d'une civilisation plusieurs fois millénaire, où les passions naissent et renaissent et où les manœuvres politiques se répètent inlassablement. La grande réussite de Naïri Nahapétian est de redonner à l'Iran ses lettres de noblesse. De rendre les Iraniens et leurs cultures attirants, intrigants. Inutile de le nier, on quitte ce livre à regret mais avec l'envie de prendre un billet pour Téhéran et rencontrer, partager.
Nominations :
Calibre 47 2010
Citation
Depuis des siècles, nous avons laissé la lecture du Coran aux mains des hommes, c'est pourquoi celle-ci est défavorable aux femmes. Il est temps pour nous de nous emparer des textes.