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Huis clos dans une ville fantôme
Cinq silhouettes à cheval fuient à bride abattue dans les paysages escarpés aux abords du Mexique. Afin d'échapper à leurs poursuivants et de se reposer, ils décident d'une halte dans le village de Quantez. Mais il n'y a âme qui vive. Qu'importe ! Ils prennent leur quartier. La nuit s'apprête à tomber. Il faut panser les chevaux, leur donner à manger, et puis aussi penser à soi. Chacune de ces silhouettes va être amenée à jouer un rôle important dans un huis-clos à ciel ouvert.
Il y a tout d'abord le personnage quasi-central incarné par Dorothy Malone. Seule femme au milieu de quatre bandits et autant de brutes. Si l'on devine que c'est une ancienne prostituée, peu à peu on comprend qu'elle est la maîtresse du chef du gang. Mais elle va rechercher une liberté à tout prix, séduisant tour à tour les trois autres hommes : un ancien tueur professionnel, un jeune et futur tueur au sang bien trop chaud, et un sang mêlé qui fricote avec les Indiens alentours. Elle alimente ainsi les tensions (qui au passage n'ont que très peu besoin d'être alimentées). Parce qu'il y a en jeu la recette d'un braquage, et que le chef du gang s'ingénie à monter les uns contre les autres en jouant la carte de l'appât du gain.
Dans un western sans réel héros malgré la présence en tête d'affiche de Fred MacMurray impeccable, Harry Keller alterne la bestialité et la cruauté des gestes (entre bagarre dans la boue, oreille sauvagement meurtrie de Dorothy Malone) aux conflits psychologiques. Il fait se succéder les scènes de jour tournées en extérieur aux scènes nocturnes, en studio, avec abus de couleurs qui quoique très esthétiques ont tendance à saturer. Les décors ressemblent alors à du carton pâte au milieu desquels les comédiens ont du mal à naviguer. Mais dès qu'on les retrouve au grand air, quelle claque ! Tous ces personnages se regardent en chiens de faïence. Tous se haïssent les uns, les autres, et surtout se haïssent eux-mêmes. Aucun n'est prêt à faire un pas vers l'autre, préférant la destruction du groupe. La tension va grandissant, les colts sont de nombreuses fois dégainés.
Il est surprenant de voir qu'aucun réel coup de feu n'est tiré avant les dix dernières minutes d'un film où des comptes sont rendus alors qu'au même moment les Indiens attaquent. Retour à la case départ pour certains. Le film qui a commencé par une fuite éperdue, se termine par une fuite éperdue. Mais à la différence du début, l'incroyable Fred McMurray trouve le chemin de la rédemption en un sacrifice tout messianique. Et c'est ainsi que d'un film sans héros, en nait un de chair et surtout de sang. La fin toute morale n'occulte pas une intrigue tirée au cordeau qui mélange sciemment et avec talent les genres pour un film très court, en rythme, et merveilleusement orchestré.
Quantez, leur dernier repaire : 80 min. réalisé par Harry Keller avec Fred McMurray, Dorothy Malone, James Barton, Sydney Chaplin, John Gavin, John Larch...
Bonus. Présentation de Patrick Brion. Présentation de Bertrand Tavernier.