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Zippo
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Inédit
Le chaos qui vient...
Il est désormais patent que les "genres", fussent-ils mauvais, sont en voie de disparition, et leur prétendue pureté génétique une chose du passé, uniquement regrettée par quelques intégristes rances ressassant leurs vieilles lunes. D'où Zippo, ce texte de Mathieu Blais et Joël Casséus.
À quoi a-t-on affaire exactement ? Un polar ? Un thriller apocalyptique ? De la science-fiction expérimentale ? Une métaphore politique ? Un long poème en prose ? Du roman social ? Tout ceci, et même plus encore dans cette série de vignettes acides écrites par un Brussolo de sa période SF qui se prendrait pour Primo Levi (ou l'inverse). Avec des jeux de langages dépaysants évoquant aussi bien l'Anthony Burgess de Orange mécanique, qui a droit à un clin d'œil, que Vian (des pornoputes, des claquedents buvant du jus de cervelle en fumant des crache-poumons), ce roman québecois évoque plutôt les recherches stylistiques d'auteurs sud-américains (on pense au très picaresque Berazachussetts de Leandro Ávalos Blacha).
Avec une langue superbe très travaillée en évitant l'écueil du surécrit, les auteurs dévoilent par petites touche Villanueva leur ville-monstre, entre Beskinski et Hyeronimus Bosch revus par le western-spaghetti crépusculaire, et par extension, un monde ou plane cette perception d'un chaos qui menace à tout instant d'éclater, ici symbolisé par un météore prêt à s'abattre, et où plus personne n'est aux commandes.
Il est symptomatique que la Zippo, un de ces gigantesques rassemblements entre gens de bon ton censés sauver le monde, si si, cette fois c'est promis, et déclenchant un gigantesque nettoyage en règle, ni la Peste Brune qui menace, ne se matérialisent jamais. Et si le personnage central, ce journaliste marqué par une peine de cœur, personnage de Camus égaré sur les pentes de l'apocalypse, est bien passif, c'est qu'on ne peut sauver un monde qui n'a nullement envie de l'être.
Camus, Levi, Brussolo, bien des références pour un roman cataclysmique qui, somme toute, ne ressemble qu'à lui-même et, pour peu qu'on soit sensible à sa musique, se lit en apnée, comme on descend un shot de tequila frelatée dans un bordel mexicain. Votre serviteur n'est pas assez versé en politique pour savoir s'il s'agit bien du "roman de la nouvelle gauche québecoise (les nouvelles gauches ou droites ayant tendance à devenir très vite aussi casse-pieds que les anciennes), mais la littérature, elle, y gagne certainement...
Citation
Kahid ouvrit les yeux comme d'autres s'ouvrent les veines.