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Inédit
Public averti
Paris : Moisson rouge, septembre 2008
312 p. ; 20.9 x 14 cm
ISBN 918-2-914833-79-0
Coll. "Semana Negra", 1
Chronique
En toute sincérité, il m'est difficile, voire impossible, de déterminer si j'ai aimé ou non ce roman. La question, dans Suburbio, est autre et semble se positionner au-delà de la simple appréciation.
L'histoire est celle d'un couple, d'un couple de vieux, d'un vieux couple. C'est aussi celle d'un Brésil d'aujourd'hui, pauvre, gris – à l'image de la photographie de couverture -, désenchanté socialement et affectivement. Mais c'est aussi l'histoire de corps, de corps qui vieillissent, de corps qui vieillissent mal. Et qui luttent, et qui se résignent. Les corps apparaissent dans le livre dans toutes leurs humeurs, à chaque coin de page. L'écriture, crue et cruelle, ne rate rien, implacable. C'est enfin l'histoire d'une fuite. A la fuite physique – mais temporaire – de la vieille le temps d'un voyage, sa fuite symbolique de sa condition de femme mariée et soumise, répond la fuite éthylique du vieux, régulière celle-là, et sa fuite finale vers l'irréparable et l'inracontable.
L'intrigue débute lorsque la vieille décide de ne plus être la femme du vieux et de ne plus dormir dans son lit. Bonassi nous plonge d'entrée de jeu dans l'univers morne et triste du couple, nous décrit, au fil de ce long roman, leur maison, le mobilier, leurs habitudes, tout ce qui emplit leur quotidien qui, lentement, en vient à étouffer le lecteur. La bouffée d'air vient de la rencontre du vieux et de la petite fille, le vieux voyant dans cette nouvelle compagnie une raison de vivre et d'arrêter d'oublier sa vie dans l'alcool. Le ton devient autre, on croirait presque voir affleurer les bons sentiments. Mais l'écriture qui sous-tend le roman poursuit sa course, hachée, poétique dans les répétitions. On devine sans mal le travail de précision réalisé par la traductrice.
La course s'achève dans un épisode qui n'occupe que quelques pages et qui pourtant balaiera tout sur son passage. Le verdict tombe comme un couperet, rapide, violent, brutal, glaçant. Sans appel, sans espoir, sans rédemption, la vision du monde et de l'homme que nous livre l'auteur dérange. L'homme est ici incapable de résister à ses désirs les plus bas, réduit à une contingence, une matérialité sordide. Et la succession de pardons – ou, plutôt, de demandes de pardons – qui suit immédiatement le passage en question, ne fait qu'augmenter le malaise et obscurcit encore davantage l'horizon du roman. Ce n'est pas tant le viol en lui-même ou la pédophilie qui cristallisent le malaise particulier que l'on ressent à la lecture de Suburbio. C'est plutôt la vision proposée. Un livre qu'on ne peut se résoudre à conseiller.
Citation
La nuit était noire comme dans un tiroir. Elle seule. Eux seuls. Sans écho. Après, une série de bruits. Le vieux et la vieille regardaient la télévision. Chaque soir depuis qu'ils avaient acheté la télévision, le vieux et la vieille regardaient la télévision.