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Grand format
Réédition
Tout public
Serge Bromberg (présentation)
Paris : Montparnasse, mars 2006
19 x 14 cm
Coll. "RKO", 72
Propagande vs. nationalisme
Avec Face au soleil levant, Edward Dmytryk produit pour la RKO un film de propagande à la gloire de l'héroïsme des civils américains qui se retrouvent emprisonnés et torturés dans le Japon de 1942 qui, après une première trahison stratégique avec l'ennemi chinois, s'attaque au monde occidental lorsqu'il ouvre les hostilités à Pearl Harbor. La RKO insiste tout au début sur la véracité des faits malgré les personnages imaginaires...
L'histoire se déroule au Japon et en Chine. Il faut affronter les décors en carton-pâte pour mieux s'imaginer au loin le mont Fuji, tandis que les Japonais, comme tout bon film de cette époque sont incarnés par des Occidentaux. L'effet est saisissant, surtout lorsque les acteurs s'essaient à mimer l'accent du pays du Soleil levant. Le film a été réalisé en 1943, près de deux ans après Pearl Harbor. Un jeune Japonais, qui a fait ses études aux États-Unis, revient dans son pays d'origine, dans sa famille, incarnée par un père et une grand-mère tous deux très conservateurs, très traditionalistes alors que lui est plutôt ouvert d'esprit. Il trouve un travail d'ingénieur auprès d'un Américain aux origines irlandaises, tombe amoureux de la secrétaire de basse origine et qui rêve du rêve de l'Amérique. Il se heurte alors de plein fouet à la volonté de son père quand soudain la guerre éclate. Il devient officier en Chine. Hésite à se rebeller devant les atrocités commises par les soldats japonais sur les civils chinois avant de les admettre, et de les commettre à son tour. Le retour lors d'une permission est révélateur de son changement d'esprit. L'ouverture, elle est chez son père. Lui, est devenu inflexible et totalement embrigadé. Il a gagné en prestance ce qu'il a perdu en esprit. Il n'hésite pas à se fâcher avec ses anciens amis américains.
L'heure pour Dmytryk de nous proposer un combat entre un judoka japonais et un boxeur américain - le très flegmatique Robert Ryan, torse nu avec ses gants de boxe aura raison de la fourberie de l'artiste martial lors d'un combat épique, telle une image de l'issue qui attend le Japon dans ce conflit. Et le Japonais est rancunier. Il aidera à l'inculpation d'espionnage tout ce beau monde, ancienne petite amie comprise. Devenu pilote, il assistera aux premiers bombardements du Japon par les Américains. En même temps que la peur changera de camps, le mépris, le militarisme et le nationalisme trouveront une fin atroce. C'est toute cette histoire qui nous est narrée en un long flashback après que le père a récupéré les cendres de son fils mort en héros. Mais comme tout bon film de propagande, Face au soleil levant révèle des Japonais idéalistes, avides de paix, lâchement assassinés par des militaires pour qui la guerre est la raison d'être, sûrs de la supériorité de leur race, qui considèrent les Chinois comme des animaux que l'on se doit d'endormir avec de l'opium pendant que l'on viole les Chinoises. La secrétaire de basse souche sortira grandi de ses mésaventures, et préparera l'entrée du Japon dans une autre ère.
Sûrement pas un grand film, mais avec ses personnages forts, son inversion de pensée, ses images troubles, Face au soleil levant demeure un film de guerre et de propagande atypique. Après tout, John Dickson Carr à la même époque, glorifiait la résistance française et le courage des troupes anglaises dans des feuilletons radiophoniques sur la B.B.C.
Face au soleil levant : 88 min. réalisé par Edward Dmytryk avec Robert Ryan, Gloria Holden, Donald Douglas, Georges Givot...
Bonus. Présentation de Serge Bromberg.
Citation
- Tous les hommes meurent un jour, mon fils. Y a-t-il une raison précise pour que je meure ce soir ?