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Grand format
Réédition
Tout public
Samuel Fuller (présentation)
Paris : Montparnasse, 0000
Zone 2 ; noir & blanc ;
Coll. "DVD collector"
Dublin - 1922
Adapté du roman de Liam O'Flaherty, Le Mouchard est le premier grand film sur le conflit entre l'Irlande et l'Angleterre qui débute en pleine Première Guerre mondiale. À la fois conflit patriotique et de religion, le roman acquière avec l'adaptation de John Ford, une dimension toute originale. Pour réaliser un film sur un tel pan historique alors que nulle blessure n'est encore guérie - nous sommes en 1932 -, il fallait un Irlandais. Son véritable nom plaide pour lui : Sean Aloysius O'Fearna. Jusqu'à présent, il a tourné près de quatre-vingt films. La première soixantaine se compose exclusivement de courts ou moyens métrages muets. Les vingt suivant l'ont assimilé à un modeste réalisateur de westerns de série B. Le Mouchard, par sa mythologie, va le faire rentrer dans la légende. Car John Ford brasse des thèmes essentiels en même temps qu'il fait preuve d'une réalisation de génie pour un film tourné en trois semaines, dans un studio limite miteux (un grand couloir qui servira trente ans plus tard à Samuel Fuller pour son mythique Shokc Corridor ; ce même Samuel Fuller tient le film de John Ford comme le meilleur film de tous les temps). Gypo Nolan (l'incroyable outre percée Victor McLaglen) est le personnage principal de ce drame. Son rôle, celui du mouchard, du traitre à la cause, on le retrouve dans toutes les guerres civiles. Il va donner son meilleur ami en échange de vingt livres sterling. Cela peut ne pas être beaucoup, mais c'est exactement le somme qu'il faut à un couple pour embarquer pour l'Amérique. Et dans le Dublin de 1922, la misère gronde. Sa petite amie, Kathie Madden (la très ravissante Margot Grahame) est obligée de se prostituer. Alors, sans trop s'en rendre compte, Gypo va commettre l'irréparable. Donner son ami contre vingt malheureux billets même pas tendus de main à main mais jetés à la figure comme quand on s'attache les services du traitre que l'on ne veut surtout pas être. À partir de là, Gypo va subir des affres dostoïevskien. Le personnage n'est qu'un mort en sursis. D'abord parce qu'une fois son ami mort, c'est tout le sinn fein qui cherche le mouchard, ensuite parce qu'en proie à ses démons, il va n'avoir de cesse de se suicider. Les vingt billets disparaissent les uns après les autres avec une facilité déconcertante. Un pour boire ici, deux pour boire là, deux autres pour une tournée générale, cinq pour qu'une prostituée rentre chez elle en fiacre... Engoncé dans ses mensonges, il ne voit même pas l'étau qui se resserre, et le conduit à un procès qui n'est pas sans rappeler celui de M. le maudit. Il faut attendre de visionner les bonus pour comprendre que ce regard vide et aviné au sortir d'une lourde chute dans un escalier, Victor McLaglen le doit à une double-cuite. Celle qu'il a pris avant de venir sur le plateau de tournage, et celle qu'on l'a forcé à avoir pour paraître naturel. Effet escompté. Il en gagnera même un Oscar (qu'au demeurant il mérite même sans alcool). Dans l'Irlande d'O'Flaherty, le pardon ne peut être donné que par Dieu et la mère de la victime. C'est à un final hallucinant, ahurissant et extatique que nous confie John Ford, étrangement déjà au sommet de son art. Il faut dire qu'il aura eu le temps de faire admirer sa maîtrise de l'espace, de l'utilisation du brouillard et, donc de la lumière, pour porter un autre regard artistique sur un film qui peut se voir avec ou sans le son tant on a l'impression que les visages, les postures, nous en disent souvent plus long que les dialogues par ailleurs quasi inexistants. Tout simplement brillant. Comme est brillante la version proposée par les éditions Montparnasse riche en bonus intéressants de John Ford à Samuel Fuller. Et c'est comme ça que ça devient un must !
Le Mouchard : 90 min. réalisé par John Ford adapté du roman éponyme de Liam O'Flaherty avec Victor McLaglen, Heather Angel, Preston S. Foster, Margot Grahame, Wallace Ford, Una O'Connor, J. M. Kerrigan, Joseph Sawyer...
Bonus. Entretien avec John Ford (23 min.). "Pour moucharder sur Le Mouchard", analyse du film par le critique de cinéma Tag Gallagher (15 min.). "Leçon de cinéma : Samuel Fuller parle du Mouchard", entretien avec le réalisateur Samuel Fuller (27 min.). Bande-annonce du film en version originale sous-titrée.