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Une guerre de génies, de héros et de lâches
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Inédit
Tout public
Oran en emporte le vent
Il y a un temps pour la souffrance, un temps pour le recueillement pieux, et un temps pour l'histoire. Il faut que les passions se décantent, que les années passent pour que les langues se délient. Souvent les anniversaire sont une bonne occasion pour revenir et se souvenir. C'est ainsi qu'avec le cinquantenaire de la fin de la guerre d'Algérie, en France, les événements dramatiques, les témoins au soir de leur de leur vie, témoignent plus facilement et révèlent la part d'ombre des appelés français (même si Jacques Syreigeol avait ouvert la vanne avec une trilogie vendéenne il y a quelques années à la "Série noire"). Mais côté algérien ? Leur indépendance et la prise en main du pouvoir par un parti unique a également "unifié" et magnifié les mémoires.
Barouk Salamé a ouvert le chemin de cette remise en cause de mythes un peu éloignés de nos préoccupations avec Le Testament syriaque et Arabian Thriller, ses deux précédents romans, qui revenaient sur les fondamentaux de l'Islam. Comme son personnage central est un pied noir, ayant fui en 1962 l'Algérie, il était intelligent de raconter son enfance, une enfance exemplaire au sein des derniers mois de lutte. À travers les yeux d'un enfant adolescent et cultivé, c'est l'envers du décor qui est proposé de manière vivante et forte. Ce dont on pouvait se douter est parfaitement résumé par le titre qui reprend un proverbe. Au début, la guerre est menée par des génies. La grand-mère du héros, est ici présentée, à travers un portrait sensible, juive, voulant l'indépendance, communiste, elle détient des secrets qui peuvent assombrir le mouvement de libération nationale.
La guerre est poursuivie par des héros que l'on voit s'agiter dans le roman comme ce jeune homme nommé garde du corps de l'enfant ou des résistants de la première heure qui doivent se cacher à la fois de l'armée française et des autres mouvements algériens. Des héros que l'on voit principalement en filigrane de l'histoire, comme les parents du personnage central, ou un général algérien qui essaye d'ouvrir une voie entre l'indépendance pure et le travail avec les Français. La guerre s'achève lorsque ce sont les lâches qui prennent le pouvoir. De fait, les documents que détient la grand-mère peuvent salir la réputation justement de ces héros de la dernière heure, que Barouk Salamé décrit comme des opportunistes, se débarrassant plus facilement des complices qui peuvent les gêner que de leurs ennemis, les plus machiavéliques sans doute.
Avec le recul historique (après tout Napoléon s'incruste grâce à la révolution ; Staline prend le pouvoir en tuant les premiers révolutionnaires et l'observateur attentif peut en voir les prémices dans les printemps arabes actuels), l'on pouvait se douter que les nouveaux maitres de l'Algérie en 1962 étaient de la même trempe. C'est ce que démontre, avec grâce, Barouk Salamé au fil d'une intrigue limpide, de rebondissements variés, à travers un personnage vivant et crédible pour nous donner une magnifique leçon d'histoire fictionnelle ou de fiction histoire hyper-réaliste.
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°46
Nominations :
Prix Polar Michel Lebrun 2012
Grand prix de la littérature policière - roman français 2012
Prix Mystère de la Critique 2013
Citation
L'indépendance fut une fête dans tous le pays, mais dans la ville d'Oran, le méchoui avait le goût de la chaire humaine.