La Muraille de lave

Au début de cette histoire, vous étiez persuadés qu'un homme se déguisait en singe. Or, ce qui risque de se produire, c'est exactement l'inverse : qu'un singe se déguise en homme pour passer inaperçu.
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Roman - Noir

La Muraille de lave

Assassinat - Corruption - Finance MAJ mercredi 16 mai 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,5 €

Arnaldur Indridason
Svörtuloft - 2009
Traduit de l'islandais par Éric Boury
Paris : Métailié, mai 2012
320 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-86424-872-9
Coll. "Noir"

Actualités

  • 21/09 Édition: Parutions de la semaine - 21 septembre
    C'est une semaine plutôt tranquille dans le petit monde littéraire. Pour une fois les choix restent en des dimensions mesurées. La Demeure éternelle, avant-dernier roman de William Gay, est sans aucun doute le livre de la semaine avec une vision de l'Amérique de 1943, et ce même si son écriture peut déranger. Loin d'être minimaliste, elle est déliée à l'extrême avec une touche de gothique. Soudain trop tard, de l'Espagnol Carlos Zanon est une balade dans les bas-fonds barcelonais en compagnie d'amis, et c'est toute une fresque qui va être au centre d'un drame schizophrène. Le drame, il en est fortement question dans cette réédition remarquable de Nous avons toujours vécu au château, de Shirley Jackson. Le roman nous est proposé par les éditions Rivages en poche et dans une nouvelle traduction de Jean-Paul Gratias. Deux sœurs et un oncle, ultimes rescapés d'un drame élisabéthain empoisonné, vivent reclus dans une maison encerclée de villageois haineux, quand un cousin débarque et détruit le fragile équilibre. Simplement brillant. Nous n'oublierons pas non plus Clockers, de Richard Price avec son éternelle mais belle et noire immersion dans un monde américain urbain gangrené par les trafics de drogue et la corruption. Quant au reste, signalons les nombreuses parutions en grands caractères. Une semaine riche avec Arnaldur Indridason, J.-M. Erre et Élisa Vix...
    Mais vous êtes bien entendu invités à découvrir tous ces romans et recueils de nouvelles :

    Grand format :
    Le Chevalier noir, de Michel Abega (L'Harmattan Cameroun, "Lettres camerounaises")
    Dernier voyage, collectif (Luce Wilquin, "Noir pastel")
    La Demeure éternelle, de William Gay (Le Seuil, "Policiers")
    Les Disparus de Juarez, de Sam Hawken (Belfond, "Noir")
    Bloodmoney, de David Ignatius (Jean-Claude Lattès")
    Le Calice empoisonné, de Bernard Knight (Pygmalion, "Policiers")
    Mortels regards, de Michael Koryta (Calmann-Levy, "Robert Pépin présente")
    La Catastrophe, de Krystyna Kuhn (City, "Young adults")
    Morofisc, de Patrick-Jérôme Lambert (de Midi)
    Le Guide du Tuard, de Jacques Mondolini (Oslo, "Osaka")
    L'Archange est nu, de José Noce (Krakoen, "Forcément noir"
    Copycat, de James Patterson & Howard Roughan (L'Archipel)
    Au temps pour moi, de Serge Scotto (L'Écailler)
    Le Visage de la camarde, d'Alexandre Serres (Le Masque d'or, "Adrénaline")
    Infiltrée, de Taylor Stevens (Presses de la Cité, "Sang d'encre")
    Autour 2 Luna, de Ygg (Édilivre, "Classique")
    Soudain trop tard, de Carlos Zanon (Asphalte, "Fictions")

    Poche :
    Carte blanche, de Jeffery Deaver (J'ai lu, "Thriller")
    Minuit, impasse du cadran, de Claude Izner (10-18, "Grands détectives")
    Nous avons toujours vécu au château, de Shirley Jackson (Rivages, "Noir")
    Sang d'encre au Mans, de Bernard Larhant (Alain Bargain, "Enquêtes & suspense")
    Alerte rouge à Brest, de Martine Le Pensec (Alain Bargain, "Enquêtes & suspense")
    Le Commissaire Stradius : le papa soleil, de Benoît Martin (Orphie, "Policier outre-mer")
    Le Réseau Phénix, de Don Pendleton (Vauvenargues : Hunter, "L'Éxecuteur")
    Clockers, de Richard Price (10-18, "Domaine policier")
    Perfidie du crime, de Nora Roberts (J'ai lu, "Roman")
    La Mort d'Auguste, de Georges Simenon (LGF, "Policier")
    L'Ours en peluche, de Georges Simenon (Presses de la Cité, "Petits noirs")
    Partie italienne, de Laurence Vanhaeren (Le Masque d'or, "Adrénaline")

    Grands caractères :
    La Muraille de lave, de Arnaldur Indridason (À vue d'œil, "Collection 16-17")
    Le Sang de l'hermine, de Michèle Barrière (Feryane Livres en gros caractères, "Policier")
    Sous haute tension, de Harlan Coben (Feryane Livres en gros caractères, "Policier")
    Le Mystère Sherlock, de J.-M. Erre (À vue d'œil, "Collection 16-17")
    Intrigue à Venise, d'Adrien Goetz (Feryane Livres en gros caractères, "Policier")
    Les Trois crimes de Noël, de Christian Jacqu (Feryane Livres en gros caractères, "Policier")
    L'Enfant témoin, de Robert Rotenberger (À vue d'œil, "Collection 16-17")
    La Nuit de l'accident, d'Élisa Vix (À vue d'œil, "Collection 18-19")
    Liens : Le Sang de l'hermine |Soudain trop tard |Minuit, impasse du Cadran |Mortels regards |Au temps pour moi |Arnaldur Indridason |Michèle Barrière |Harlan Coben |Jeffery Deaver |William Gay |Claude Izner |Bernard Knight |Michael Koryta |Jacques Mondoloni |James Patterson |Richard Price |Robert Rotenberg |Serge Scotto |Georges Simenon |Taylor Stevens |Élisa Vix |Jean-Paul Gratias |Carlos Zanón

Fin de l'époque bling bling

Arnaldur Indridason n'en finit pas de nous ravir, et ne manque pas de tours dans son sac pour nous surprendre. Erlendur est toujours en congé sur les chemins de son enfance et introuvable, il laisse son équipe débusquer les méchants, Elinborg, dans le précédent roman La Rivière noire, et Sigurdur Oli pour cette nouvelle enquête. Alors oui, à travers la dernière enquête, découvrir le quotidien de Elinborg restait peu convaincant car elle paraissait bien fade (même si en y réfléchissant, Indridason décrivait là une femme contemporaine, sans artifice, presque banale et pourtant inspectrice au flair et à la sensibilité aiguisés). Le deuxième inspecteur, Sigurdur Oli, est celui qui depuis les débuts des enquêtes de Erlendur agace ses deux co-équipiers – et le lecteur – par son manque de tact, sa manière abrupte d'aborder les gens et son absence totale d'empathie. Voilà notre curiosité aiguisée, tant par l'intrigue, que par la découverte approfondie de ce personnage, anti-héros, qui n'a cessé d'accroître notre antipathie à son égard. Son couple est en lambeaux, et après avoir quitté sa compagne Bergthora, il a emménagé dans un nouvel appartement où il comble ses nuits à regarder des matches de baseball sur le câble.

Son ancien camarade de lycée Patrekur le sollicite pour une affaire, le beau-frère de celui-ci, Hermann, est victime d'un chantage. Adepte avec sa femme de "soirées-entrecôtes" (l'avis du traducteur sur ce terme peu reluisant serait le bienvenu), c'est-à-dire de parties fines, ils ont été filmés à leur insu par un autre couple qui menace de diffuser sur Internet la vidéo alors que la femme d'Hermann aspire à une carrière politique d'envergure. Sigurdur Oli, bien que réticent au départ, se rend chez le couple maître chanteur et au moment de sa visite se heurte à un agresseur, qui réussit à s'enfuir, laissant la jeune Sigurlina le crâne enfoncé par une batte de baseball presque morte. Elle décédera plus tard à l'hôpital et voilà Sigurdur Oli au début d'une enquête, confronté également à la suspicion de son collègue Finnur qui se demande comment il pouvait être présent au moment des faits, le hasard ayant pour le coup bon dos. Sigurdur Oli, soucieux dans un premier temps, de protéger les intérêts de son ami, décide de garder le silence sur la vraie raison de sa visite et se concentre sur ce qui ressemble à un règlement de compte. Son investigation le mène à un groupe de jeunes banquiers, à la cupidité vivace, dont la vie a croisé celle de Sigurlina lors d'une excursion en montagne et où l'un d'entre eux, randonneur pourtant expérimenté, a trouvé la mort sur le Svörtuloft - la muraille de lave -, montagne réputée dangereuse.

Arnaldur Indridason distille tout son talent, dénonçant avec force l'économie des "nouveaux vikings" qui a plongé l'Islande, et le monde, dans la crise financière de 2008. Nous croisons les victimes de la cupidité de quelques uns, nous mesurons les désillusions de certains, et nous prenons fait et cause pour Sigurdur Oli, malmené dans ses convictions au fur et à mesure de sa recherche. Lui qui ne cache pas son dégoût pour les déviances sexuelles de son ami, est confronté à sa stérilité physiologique – il ne peut pas avoir d'enfant – mais aussi à son manque de charisme, écartelé entre sa mère, dénuée de sentiment, et son père, atteint d'une maladie, avec lequel il ne trouve pas les mots. On le voit se débattre dans cet enchevêtrement d'événements, son assurance mise à mal, ses principes remis en cause, ses certitudes ballotées avec en parallèle ce fragment de pellicule, qu'il reçoit, montrant un enfant aux prises avec un adulte menaçant. Erlendur peut continuer son périple sur le chemin de ses souvenirs, Indridason réussit le pari de nous envoûter malgré son absence.


On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°46

Citation

L'un était un multirécidiviste, l'autre un honnête citoyen. Aux yeux de Sigurdur Oli, ces gens-là n'avaient pas voix au chapitre et ils avaient perdu jusqu'au droit de faire partie de la société

Rédacteur: Axelle Simon lundi 01 octobre 2012
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