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Réédition
Tout public
Serge Bromberg (présentation)
Paris : Montparnasse, septembre 2009
19 x 14 cm
Coll. "RKO", 111
Premier film noir
Serge Bromberg assène qu'il s'agit du premier film noir de l'histoire du cinéma américain. Qui plus est avec Peter Lorre aux yeux globuleux, aux lèvres épaisses et à l'écharpe blanche au vent dans un rôle majestueux empreint d'une douce folie meurtrière. Ce film réalisé par Boris Ingster, homme à la carrière très modeste, propose une trame en vogue de l'époque : celle de l'enquêteur-journaliste qui démasque le coupable avant de l'emmener jusqu'à son procès et, ici, jusqu'à la chaise électrique puisque l'action se déroule aux États-Unis.
Pourtant, rien ne laisse présager d'un drame noir. Au début, Michael Ward (John McGuire, un acteur à la carrière surprenante puisqu'on le voit dans des films d'horreur au côté de Bela Lugosi mais aussi dans des films de guerre avec John Wayne), jeune reporter en pleine gloire ascendante, est attendu dans un bar surplombé pour déjeuner avec sa ravissante fiancée Jane (Margaret Tallicher). Il lui raconte le déroulement du futur procès de Joe Briggs (le très convainquant Elisha Cook Jr) accusé du meurtre par égorgement d'un tenancier de bar. Michael Ward est l'unique témoin de la présence de Joe Briggs sur les lieux. S'il ne l'a pas vu commettre le crime, il l'a entendu la veille proférer une menace de mort. Comble de malchance, Joe Briggs a un casier judiciaire pour le vol, des années auparavant, de cinq malheureux dollars. C'est Jane qui va instiller le doute : et s'il n'était pas coupable ? Parfait non-sens pour le journaliste qui vient tout juste d'être embauché, qui a le vent en poupe et souhaite emménager avec sa promise sauf que dans sa pension, son très énervant voisin se retrouve égorgé, qu'il est là encore le seul témoin du meurtre, et que le déroulé des faits est en tous points identique à celui qui a conduit Joe Briggs dans le couloir de la mort.
Sous couvert d'une intrigue noire teintée de rose, Frank Partos et Nathanael West nous proposent un scénario à charge contre les preuves indirectes. Deux histoires parallèles trouvent le moyen de se recouper dans une réalisation brillante de Boris Ingster, héritage direct de l'expressionnisme allemand. Le jeu des ombres est magistral. Il y a d'abord cette balance de la justice dont l'ombre qui la montre penchée prouvant ainsi l'inégalité des uns au cours d'un procès, il y a ensuite la silhouette scotchée à un mur en un élancement meurtri, amer et désespéré de John McGuire, puis cette main de Peter Lorre qui s'extraie de l'entrebâillement d'une porte, hommage au Docteur Mabuse, de Fritz Lang. Le film prend des tournures introspectives et oniriques. John McGuire nous délivre ses angoissantes pensées à mesure qu'il approche d'une cour de procès imaginée, totalement lugubre et asphyxiante. L'utilisation à ce moment-là de la perspective par le réalisateur est étonnante. Tout comme l'est la prestation de Peter Lorre. Qui n'aime pas les bêtes, n'aime pas les hommes, dit l'adage. Peter Lorre est là pour nous dire que ce n'est pas vrai. Et qu'importe la trahison ressentie au moment de la résolution d'une intrigue qui apparait en outre totalement bâclée. Ce court film d'à peine une heure nous a emmenés sur une voie novatrice avec un Peter Lorre que l'on attend entre Casino Royale et Le Faucon maltais.
L'Inconnu du 3e étage (63 min.) : réalisé par Boris Ingster avec Peter Lorre, John McGuire, Margaret Tallichet, Charles Waldron, Elisha Cook Jr, Charles Hlton, Ethel Griffies...
Bonus. Présentation de Serge Bromberg.
Citation
S'il fallait des témoins oculaires pour tout, personne ne serait jamais condamné.