Contenu
Réédition
Tout public
Serge Bromberg (présentation)
Paris : Montparnasse, septembre 2005
19 x 14 cm
Coll. "RKO", 58
Jeanne d'arc en blanchisseuse
Contrairement aux apparences, Mademoiselle Fifi est le surnom donné à un officier prussien efféminé et maniéré qui use du "Fi-fi, donc !". Personnage à part entière d'une nouvelle éponyme de Guy de Maupassant, il est interprété par Kurt Kreuger, qui incarne à merveille la vieille noblesse outrancière, dans l'adaptation que réalise en 1944 Robert Wise. Rachel, la prostituée juive, n'est plus, mais la très gracieuse, gracile et naïve Simone Simon (La Bête humaine au côté de Jean Gabin) prend le relais sous les traits d'Elizabeth Rousset, blanchisseuse patriote.
En pleine Seconde Guerre mondiale, le parallèle entre la situation de la France en 1870 et 1944 est évident. Il y a les mêmes occupants avec les mêmes conditionnements et les mêmes réactions. C'est un véritable film d'époque en costume qui est réalisé avec l'influence picturale de Toulouse-Lautrec et de Delacroix, et même des décors du Quasimodo de William Dieterle pour un budget à peine supérieur de celui octroyé par la RKO aux films de série B. Et Mademoiselle Fifi cumule les canons des sous-genres avec dès le début des personnages archétypaux qui embarquent dans une malle-poste en partance pour Dieppe. Pour la plupart bourgeois cossus et aristocrates déchus, ils fuient l'occupant allemand pour rejoindre la Grande-Bretagne avec de l'argent dans les poches, mais une absence de victuailles pour le voyage. Tous ou presque regardent d'un mauvais œil Elizabeth, jeune et jolie blanchisseuse qu'ils soupçonnent d'avoir usé de ses charmes pour obtenir un laisser-passer germanique alors qu'eux ont dû user de pot de vin. "Normalement, j'aime savoir avec qui je voyage. C'est la guerre, il y a des espions, des traitres et même des voleurs. Voulez-vous vous présenter ?"
Comme de bien entendu, Elizabeth va se révéler pure et entière, farouche opposante à l'occupation. Cette première partie en huis-clos dans une malle-poste est à l'époque l'un des axes du western. D'ailleurs, parmi les occupants, ils se trouvent un prêtre et un rebelle en herbe. Le film manie sans gêne tous les symboles patriotiques de La Marseillaise à Jeanne d'Arc en passant par la Lorraine. Las, cette malle-poste à un relais va être stoppée net dans son élan fugitif par cet officier prussien à la bassesse et à l'humiliation assumées. Il souhaite un tête-à-tête dinatoire avec celle qui s'oppose à toute compromission sinon le voyage s'interrompt. Les autres occupants donneront raison à Elizabeth avant de la pousser dans les bras teutoniques, leurs résolutions fléchissant devant leurs intérêts personnels.
Le film montre alors la femme de basse extraction mais à la noblesse d'âme supérieure et de loin à toutes les autres additionnées. La suite est une évolution d'actes et de pensées, le terreau de la révolte avec en prime des actes de courage qui se confrontent à la lâcheté ambiante, et un poignard planté en plein cœur de ce Mademoiselle Fifi. Film de genre alliant donc western, guerre, romance, espionnage et histoire, il ne s'écarte pas non plus de la propagande qui sévit évidemment à Hollywood avec des icônes acceptables et acceptées par le puritanisme ambiant dont une cristallisation sur une cloche qui ne sonne plus depuis l'occupation. La destruction mentale de l'ennemi est en route, les interrogation pleuvent : "Sommes-nous les vainqueurs ? Fifi était-il un fier combattant dans ce monde de femmelettes, où affublé d'un surnom de femme, il fut tué par une femme ? Que vaut une telle victoire ? Que peut-on en tirer ?"
La réalisation de Robert Wise, annonciatrice de son goût pour les films noirs et psychologiques, associée au rôle merveilleux de Simone Simon joué de manière magistrale et convaincante, font de Mademoiselle Fifi une œuvre à part dans la filmographie d'un réalisateur curieux de tout.
Mademoiselle Fifi : 69 min. réalisé par Robert Wise sur un scénario de Josef Mischel & Peter Ruric, d'après la nouvelle éponyme de Guy de Maupassant, avec Simone Simon, John Emery, Kurt Kreuger, Alan Napier, Helen Freeman, Jason Robards Sr....
Bonus. Présentation de Serge Bromberg.
Citation
Il n'y a rien à dire. Je sais le genre d'homme que vous êtes. Vous ne changerez jamais. Je vous ai écouté, je vous ai cru. Je vous ai pris pour un brave homme, un patriote, un combattant. Mais vous n'êtes qu'un beau parleur.