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Grand format
Inédit
Tout public
500 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-8100-0526-0
Coll. "Toucan noir"
Homo lupus homini
L'homme est un loup pour l'homme... Très vite, derrière les vernis de civilisations, les véritables passions apparaissent, et les périodes de guerre sont toujours un révélateur exacerbé de ces évidences. Dans Le Vallon des parques, c'est avec une triple structure que ce phénomène se met en forme avec, au départ, la campagne de Russie pendant la Seconde Guerre mondiale. Au sein des armées allemandes qui envahissent les plaines russes, un archéologue nazi découvre la puissance du sadisme, la joie du meurtre, et le plaisir d'être de la race supérieure, délivré des faux semblants pour accéder à la véritable humanité. Mais on parle-là des nazis dans des contrées lointaines...
Sylvain Forge nous emmène ensuite dans les campagnes qui entourent Vichy en 1942. Les montagnes d'Auvergne sont aussi sauvages que les russes, et témoignent des luttes entre résistants et collabos, des luttes entre les différents groupes collaborationnistes et les forces allemandes, des pulsions sadiques à assouvir des miliciens, des officiers S.S., voire des chefs de la résistance qui aimeraient comme de bien entendu profiter de leur pouvoir pour filer le parfait amour avec les pauvres paysannes isolées. Ce deuxième cercle se complexifie avec la présence d'un tueur en série qui déchiquette les petites filles et qui n'est pas sans rappeler un certain Joseph Vacher qui, dans une cavale sanguinaire à la fin du XIXe siècle, tua une vingtaine de personnes, et qui fut à l'origine du film de Bertrand Tavernier Le Juge et l'assassin. Alors, la civilisation peut-elle résider dans les villes ? Sûrement pas dans le microcosme vichyssois où les rivalités sont dures avec de petits policiers qui surveillent leurs chefs, des chefs de service qui doivent louvoyer entre la fidélité républicaine et la vertu morale tout en gardant à l'esprit qu'il faut servir les nouvelles puissances sans s'aliéner les futurs vainqueurs. Des endroits où chacun négocie ses alliances et trahit pour son propre bénéfice, sur fond policé.
Tout le talent de Sylvain Forge consiste à alterner les points de vue, à les incarner dans des personnages vivants et forts (une paysanne amoureuse, un chef de résistance, un policier juif, un commissaire qui a fort à faire avec sa fille handicapée, une cocotte obligée d'espionner...) pour faire avancer une intrigue assez balisée, racontée de manière feuilletonesque mais en conservant une qualité de roman classique. L'arrière-plan historique qui est souvent plus qu'un arrière-plan, décrit avec réalisme, la description aiguë des tensions - y compris physique - entre les acteurs de l'histoire, la façon de montrer les personnages pris dans les contradictions à la fois de leurs intérêts et de la période, propice aux incertitudes créent une atmosphère qui restitue avec soin les ambivalences du temps et des humains, la façon dont les vernis craquellent vite devant l'urgence des désirs ou de la survie.
Citation
Quelque chose d'acide et de poisseux fourmillait dans sa gorge. On va s'en sortir, ne t'inquiète pas. Il essayait de se convaincre lui-même.