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Éclairage au corbeau
© D. R.
17 janvier 2012 -
L'écrivain Romain Slocombe a inauguré le 12 janvier les Jeudis du polar, thématique organisée dans le cadre de la rétrospective Littérature & cinéma par la filmothèque du Quartier latin*. Le principe est assez simple : un romancier présente un film. Particulièrement remarqué cette année par son roman Monsieur le Commandant, une longue lettre de plus de deux cents pages écrite par un académicien sous l'Occupation, Romain Slocombe proposait Le Corbeau, d'Henri-Georges Clouzot. Rien de plus normal quand on sait que le fond de l'intrigue repose justement sur une flopée de lettres anonymes qui mettent une communauté en émoi par un savant mélange de mensonges et de vérités, et qui se conclue de manière dramatique.
Vous l'aurez compris, le but de ce papier n'est pas tant de parler du film de Clouzot, que nous vous invitons d'une manière ou d'une autre à visionner, mais de décrire cette première forcément atypique. Dire que la salle rouge était noire de monde tiendrait du mensonge. Le public était clairsemé mais tout à l'écoute de l'écrivain qui s'était pour l'occasion replongé la veille dans un film qui allait causer beaucoup de torts à son réalisateur et nombre de ses acteurs. En effet, la France vit au même moment sous l'Occupation, et traiter du sujet de la dénonciation anonyme (et souvent calomnieuse) alors même que le pays en émet près de quatre millions tenait de la gageure. L'un des camps y verrait une raison de cesser l'envoi de ces lettres tandis que l'autre, lui, y décèlerait une propagande négative (les Français selon les communistes et certains gaullistes n'ont jamais collaboré avec l'occupant nazi).
Prenant la parole avant et après le film, c'est un Romain Slocombe d'abord quelque peu emprunté qui a recontextualisé le film tout en rappelant qu'à l'origine, il y avait un fait divers dans cette bonne vieille ville de Tulle. Fait divers qui n'allait pas tarder à attirer l'attention avec un sous-préfet limogé car prêt à tout même à la divination pour démasquer l'ignoble lettré. Et Slocombe de rappeler certaines scènes du film comme la dictée où l'on fait écrire des centaines de mots à des individus soupçonnés d'être l'auteur de ces forfaitures afin que dans un moment d'épuisement, leur cursive les trahisse. De rappeler aussi que tous nos actes ont des conséquences. Et qu'en plus de familles à jamais déchirées, il y eût des morts. Le film passé dans une copie que l'on nous avait annoncé plutôt mal en point mais que l'on a jugé bien regardable, c'était l'heure des questions et des hypothèses. Parmi les thèmes retenus : l'infanticide, le regard de Clouzot sur les enfants, Clouzot cinéaste à la limite de la violence et l'origine même du corbeau. Difficile de quitter son siège car certains avaient beaucoup à dire, et Romain Slocombe à les encourager. Quoi de plus normal ?
Le prochain rendez-vous à lieu jeudi 19 janvier avec une soirée "spéciale Jim Thompson" avec la projection, à 18 h 45, de Guet-Apens de Sam Peckinpah, après quoi on retrouvera Marc Villard à 21 h 30 qui présentera Série noire d'Alain Corneau.
*La Filmothèque du Quartier Latin
9 rue Champollion
75005 Paris. Tél. : 01.43.26.70.38
Liens : Romain Slocombe | Monsieur le Commandant
Par Julien Védrenne