Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
518 p. ; 2 x 16 cm
ISBN 978-2-07-013588-2
Coll. "Série noire"
Braquage à la française
Après Quais des Enfers, et une embarcation morbide et/ou mortifère en compagnie de la Brigade fluviale, Ingrid Astier revient, accompagnée par l'essentiel de ses personnages, mais s'aventure dans les banlieues, aux alentours d'Aubervilliers, en compagnie de très mauvaises fréquentations pour lesquelles le lecteur se surprendra à avoir, tout comme son auteur, de l'empathie.
Tout débute dans la capitale lorsqu'un buraliste est braqué, agressé, puis pulvérisé à coup de batte de baseball sous les yeux de flics impuissants alors même qu'ils espéraient un flagrant délit. L'histoire ne sent pas bon pour les galons du commandant Duchesne, alors il est urgent d'obtenir des résultats probants. C'est le branle-bas de combat pour des hommes et des femmes en mal de repos. Ingrid Astier, qui a pour l'occasion acéré son style et qui s'est sans nul doute immergée dans un monde inconnu d'elle, nous offre alors un bon roman de procédure entaché cependant de notes de bas de page injustifiées - si l'on accepte le fait que keum est maintenant bien ancré dans le vocabulaire familier, et surtout que décidément les forces de l'ordre sont comme tout département administratif avides de sigles et d'acronymes imbuvables et oubliables - et d'une certaine tendance à l'énumération biblique tendance Ancien testament (vous découvrirez des listes d'armes dont vous ignoriez avant l'existence). Et c'est la le défaut de ce roman : Ingrid Astier a amassé de la matière, l'a digérée, mais l'a à tel point appréciée qu'elle n'a su choisir ce qu'elle nous redonnerait en partage ou n'a pas su attendre un nouvel opus.
Cela donne un roman dense au moment d'entamer la traque du Spanish, Diego, leader incontesté d'une fratrie de trois qui couve Adriana, sa petite sœur, comme jamais, et qui avec Archi, son frère, a débuté une carrière de malfrat par de menus larcins avant de commettre ses premiers meurtres. Adriana, quant à elle est un personnage central si ce n'est le personnage central puisque perdue dans son cirque et dans une caravane esseulée, et à vivre passionnément en osmose avec un trapèze, elle est le seul point d'ancrage de Diego à l'Humanité.
Ingrid Astier déploie alors toute son énergie romanesque à décrire des personnages attachants, extraordinaires dans leur ordinaire, fantasques, qui vivent sur le fil d'un rasoir ou dans les hauteurs d'un chapiteau de cirque entre leurs rêves et leurs trapèzes. L'angle mort, les conducteurs le connaissent. C'est celui d'où vient le danger, les mauvaises surprises. Avec Ingrid Astier, de l'angle mort ne peut naître que l'implacabilité du retour à l'ordre. Bien sûr, Diego est insaisissable et violent, portrait nerveux du braqueur de banques qui ne laisse nulle place au hasard et qui au moindre doute n'hésite pas à sortir son arme pour acquérir une ultime certitude. Mais l'étau se resserre à mesure que le portrait-robot de Diego devient portrait humain.
Le roman profondément procédural s'appuie sur une structure narrative forte - désépaissie à juste titre au regard de Quai des Enfers - et une alternance de chapitres qui sont autant de points de vue qu'il y a de personnages centraux et de lieux clés : une technique qui a fait ses preuves mais que l'auteur applique à merveille. Ce second roman est surprenant car il révèle un réel attrait d'Ingrid Astier pour le roman de procédure. Il y a des longueurs qui mériteraient de disparaître, mais il y a surtout du rythme, des envolées et une sécheresse insoupçonnée qui semble en train d'éclore...
Citation
La différence principale étant que, lorsque Marc les arrêtait vivants, Jo Desprez les trouvait refroidis. Le règlement de compte et son faciès particulier : pas de larmes pour le mort mais intérêt majeur pour l'angle mort - l'invisible main cachée derrière.