Un long moment de silence

Si on m'avait dit quinze jours plus tôt que des agents russes opéraient librement à Londres, poignardaient des femmes au cœur même de ce que je pensais être la civilisation et jetaient leur corps dans la Tamise, j'aurais trouvé cela ridicule. Après tout, l'Angleterre et la Russie n'étaient-elles pas alliées, liées par un traité ? Quel besoin avaient-elles de s'espionner l'une l'autre ?
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Roman - Thriller

Un long moment de silence

Historique - Guerre - Terrorisme MAJ vendredi 15 mars 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20,9 €

Paul Colize
Paris : La Manufacture de livres, mars 2013
372 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-35887-055-9

Actualités

Roman d'unes vies

Connaître l'auteur d'un roman qu'on va chroniquer est-il un handicap ? Réponse : non. Au mieux, se poser la question relève d'une tartufferie de bon aloi, qui ne trompe personne. Dans le microcosme polardeux-critique, tout le monde se connaît/fréquente/jalouse/apprécie. Oui, je connais et j'aime Paul Colize, tant l'homme que l'auteur. Mais je n'écris pas ceci en guise de préambule hypocrite, non. Parce que ce prédicat fut partie prenante de ma lecture, parce qu'il conditionne l'écriture de cette chronique, parce qu'il est indissociable de mon ressenti.
Flashback.
La presse et le public ont loué Back up, le précédent roman de Paul Colize. Le danger est donc d'écrire le suivant en creusant le sillon. Écueil évité. De fait, la comparaison entre les deux romans n'est pas envisageable. Back up possédait une dimension sociétale, presque épique, moins présente dans Un long moment de silence. Encore que l'Histoire y soit présente à chaque page. La structure, le mode narratif semblent pourtant les mêmes : une recette que Paul Colize maîtrise à merveille et qui fait mouche - tisser trois lignes narratives en apparence distinctes (lieux, époques, personnages différents), puis emballer le métier, faire se croiser les fils, les nouer, les emberlificoter jusqu'à un ultime dénouement qui finit de dévider l'écheveau.
En l'occurrence : l'histoire d'un jeune juif qui, après la Seconde Guerre mondiale, rejoint un commando spécialisé dans la traque des criminels nazis ; un attentat à l'aéroport du Caire en 1954 ayant fait vingt et un morts ; Stanislas, un chef d'entreprise belge odieux, cynique et misanthrope, dont le père figure parmi les victimes de l'attentat en Égypte et qui découvre, cinquante ans plus tard, de nouveaux éléments sur ce massacre.
Inutile d'en dire plus sur l'intrigue. On sait que tout est lié. Tout l'art de Paul Colize repose dans la distillation d'événements nouveaux, dans la tension qui habite chaque chapitre, l'alternance des époques et la rédemption du narrateur.
Car le narrateur est souvent "je". Ce "je", c'est ce sexagénaire belge, patron d'une boîte spécialisée en sécurité informatique. Odieux, cassant, puant, blessant, érigeant l'agressivité, le machisme et l'insensibilité comme une forteresse autour de sa personne. Le faire parler à la première personne est dangereux. Évidemment que l'identification s'opère ! Évidemment que Paul Colize fait tout pour que l'amalgame s'impose (jusqu'aux mises en abyme avec son éditeur). Dès lors, le malaise s'installe dans l'esprit du lecteur qui, au-delà de l'intérêt purement narratif, attaque les chapitres avec une curiosité malsaine, se fait le complice voyeur de cette vraie-fausse mise à nu de l'auteur/narrateur. Remarquablement joué ! On ne peut plus lâcher le livre, on applaudit à l'exercice de style, on veut savoir quels sont les liens entre tous ces personnages, pourquoi l'attentat du Caire, etc., tout en cherchant derrière le masque du détachement la part de vérité ou de bourrage de l'auteur.
Et puis arrive l'épilogue. Ou plutôt la note au lecteur. Et ses trois dernières phrases.
Et là, en effet, soit vous connaissez personnellement l'auteur, ou non. Dans le deuxième cas, vous vous inclinez et saluez sa performance et son courage face à la difficulté d'écrire un tel ouvrage.
Dans le premier cas, vous vous dites tout ça, bien sûr, mais en plus, vous refermez le livre tout doucement, la boule dans la gorge, presque gêné mais reconnaissant envers l'auteur de vous avoir ouvert la porte qu'il n'entrebâille que trop rarement.
Un long moment de silence, ce n'est pas le roman d'une vie. Ni de plusieurs. C'est le roman d'unes vies, tellement lointaines et si fusionnelles.
C'est une leçon.

Récompenses :
Prix Landerneau Polar 2013
Prix Boulevard de l'Imaginaire 2013

Nominations :
Prix des lecteurs nantais/Acener 2014

Citation

J'admirais en cachette ce père que je n'avais pas connu, ce héros mort en service commandé. Ce n'est que cinq ans plus tard que j'ai recueilli quelques bribes supplémentaires, le jour même où j'ai baisé pour la première fois.

Rédacteur: Maxime Gillio vendredi 15 novembre 2013
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