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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Jean-René Dastugue
Rodez : Le Rouergue, mars 2013
406 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-8126-0453-9
Coll. "Noir"
Derniers remparts contre la barbarie
Deuxième volet de la "Trilogie de Brighton", ce roman de Peter Guttridge amorce un tournant dans l'histoire des gangsters à l'anglaise avec l'apparition des mafias des ex-pays de l'Est. Le ton en est d'ailleurs donné dès les premières pages avec une scène d'empalement horrifique d'un comptable de gang synonyme de l'arrivée de nouveaux barbares héritiers de Vlad Tepes - le fameux Dracula -, menés par un certain Radislav, et qui ont sombré dans la violence qui les a déshumanisé lors des conflits des Balkans. Mais passée cette introduction, le romancier revient à tout ce qui a fait la légende de ces gangsters au code de l'honneur sanglant et froid, et pourtant romantique.
Le roman est ponctué d'anecdotes sur les deux hauts faits divers de la région à savoir l'affaire du train des convoyeurs de fonds dévalisé dans les années 1960, et le mystère du meurtre des malles dans les années 1960. Autant d'événements qui nous fascinent encore aujourd'hui, encore plus depuis la mort récente de Bruce Reynolds, cerveau du braquage. Le Dernier roi de Brighton, c'est John Hathaway, parrain de la ville déjà peinte par son contemporain Graham Greene à la même époque. Peter Guttridge y ajoute - forcément - le recul avant de se lancer dans un portrait désabusé d'un parrain qui ne voulait pas vraiment de son empire hérité d'un père tyrannique. Il aurait préféré continuer à multiplier les concerts avec son groupe de pop rock dans les bars de la ville, à faire l'amour avec Elaine, sa petite amie, avant de partir en Inde. C'était sans savoir que son père tirait déjà les ficelles du jeu dans son dos. Les concerts étaient imposés par la force de la persuasion, et non synonymes du talent des musiciens. Quant à la petite amie, sa curiosité l'entraînera au fond de la Manche, les pieds dans le ciment, elle qui rêvait de finir star du cinéma.
C'est dans ces conditions que John Hathaway prend la direction de la pègre de Brighton, épaulé par les fidèles de son père, mais aussi avec sa hargne et sa haine. Mais John Hathaway c'est surtout un teigneux, quelqu'un qui aime l'affrontement surtout quand les dès sont pipés, et qu'il n'a aucune chance de s'en sortir, quelqu'un qui vit dans la contradiction. Ne plus avoir d'illusions aide à être un héros. Dans son chemin de croix vers la mort - il est de notoriété que le roi meurt et ne se rend pas une fois sa garde anéantie -, avant de croiser la route de gangsters sanguinaires de l'Est, John Hathaway croisera celle de Robert Wats, ancien chef de la police, démis de ses fonctions dans le premier volet, forcé de s'allier à la moins pire des engeances. En vain.
À cette trame très romanesque, Peter Guttridge insuffle véritablement une atmosphère et un style littéraire années 1960, fort de références musicales et politiques, avec des personnages - véritables criminels -, qu'il nous fait apparaître sympathiques par l'existence même de leurs failles profondes, de leur foi non moins profonde en une certain éthique et, surtout, parce qu'ils sont les derniers remparts, les derniers chevaliers, pour protéger cette bonne vieille cité balnéaire de Brighton contre la barbarie, et que l'on a aimée dans l'époustouflant Brighton Rock. L'analogie n'est pas anodine. Le film et ce roman vont puiser à la même source, et procurent le même plaisir.
Citation
Sean m'a mis une sacrée trempe une fois. On n'aurait pas cru en le voyant, mais c'était un dur. Ça a toujours été un dur. C'est comme cela qu'il a fini dans les commandos et que je me suis retrouvé intendant militaire.