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Feu d'artifices
En quelques romans, David S. Khara s'est imposé comme l'une des figures montantes du thriller français. Avec Le Projet Morgenstern, censé clore une trilogie initiée par Le Projet Bleiberg et prolongée par Le Projet Shiro - y aura-t-il comme pour Star Wars une trilogie prequel ? -, il décide de dynamiter encore plus le genre, de le faire exploser et de nous en envoyer des débris encore fumants, rapides et virevoltants dans le coin de la figure.
Eytan Morgenstern, le héros, doit faire face à un complot mondial, qui en cache un autre encore plus nauséabond géré par le Consortium, un groupe ultime qui entend diriger le monde, et ce depuis des siècles. Le leader actuel du consortium a réussi à convaincre des militaires que les amis de Morgenstern devaient être liquidés. On assiste dès lors à la première vague de sauvetage suivie évidemment d'une décision de vengeance. Dans la foulée, Eytan Morgenstern se souvient qu'il a été l'objet d'une expérience nazie, et qu'il pourrait faire sienne - afin de raconter son combat de liberté - la devise des SS : "Mon honneur s'appelle fidélité." En parallèle de ce nettoyage contemporain, David S. Khara nous plonge dans la Pologne en guerre, en 1942, alors qu'un officier SS particulièrement sadique (Les Chasses du comte Zaroff en bien moins drôle) pourchasse le jeune Morgenstern tout juste échappé des griffes de savants nazis qui voulaient le transformer en super-Aryen combattant.
Entre les années 1940 et aujourd'hui, le cynisme des puissants, et les plans cachés pour asservir l'Humanité ne changent pas. Lorsqu'un Nazi en Pologne tue un officier de la Wermacht, ça équivaut à un officier américain en 2003 qui flingue ses propres soldats pour les livrer en cobayes aux entreprises qui cherchent à engendrer un surhomme. Mais là où dans un camp de concentration, le savant fou jouait au chimiste enragé, les scientifiques contemporains manient l'informatique et les prothèses, pour un résultat identique. David S. Khara montre que face à ces hydres tentaculaires la résistance est l'acte de gens qui osent avant tout dire non, qui privilégient les bons sentiments que sont l'amitié, l'amour et l'entraide. Une vision somme toute manichéenne symbolisée par cette scène : Eytan Morgenstern pourchasse des Nazis en Amérique du Sud. Plutôt que de tuer celui qui avait essayé de le détruire en 1942, il révèle sa face obscure à sa nouvelle famille, celle-ci rejetant aussitôt le monstre qui en ressort bien plus détruit que s'il avait été tué. La perte de l'amour, du regard bienveillant étant pire que les coups et les blessures mortelles.
Fonçant à deux cents kilomètres par heure sur l'autoroute du thriller, injectant en sur-vitaminé ses explications, jonglant avec les périodes temporelles, David S. Khara offre donc un concentré du thriller, révélant ainsi sa quintessence, et laissant le lecteur encore plus exténué que ses personnages, tout en restant à la fois réaliste et crédible. En matière de feu d'artifice, on attend toujours le bouquet final. Force est d'avouer que cette trilogie tout en artifices, avec Le Projet Morgenstern , y parvient.
Nominations :
Prix "Saint-Maur en poche" catégorie polar 2014
Citation
Le médecin refermait le coffre quand deux coups de feu éclatèrent dans la même seconde. Leurs échos furent recouverts par les cris déchirants du libraire...