Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
476 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7491-2972-3
Coll. "Thriller"
Cible émouvante
On avait déjà remarqué Je ne vous aime pas, le premier et très noir roman d'Éric Cherrière, qui présentait une véritable voix d'auteur dans le ronron consensuel ambiant, mais là... on ne regrette pas d'avoir attendu trois ans pour ouvrir son nouveau roman ! Le point de départ est déjà excitant : un tueur en série s'en prend aux gosses de riches, à ceux qui sont nés du "bon" côté de la barrière, du moins en apparence, le tout avec une violence inimaginable et une connaissance parfaite du terrain. De préférence aux alentours de la famille de Jacques Dragan, l'un des rares politiciens intègres qui restent, laissant croire qu'il ne choisit pas ses victimes au hasard. Le policier Chance Doyen enquête, accompagné de sa fille surnommée Mademoiselle Chance, elle-même née d'un traumatisme : sa mère enceinte, qui n'était autre que la fille de Dragan, fut enlevée et torturée par un dément qui semblait vouloir faire souffrir le fœtus ! Mademoiselle Chance est donc une miraculée qui n'aurait pas dû naître... Mais qu'est-ce qui peut justifier tant de haine et de souffrance ? Qu'est-ce qui peut motiver cet assassin dont, même après sa capture, on échoue à trouver l'identité ?
Un point de départ vraiment excitant, digne de ce que peuvent écrire Jérôme Camut et Nathalie Hug, tant ces tueurs monstrueux ne cessent de fasciner ; et ici, le côté presque surhumain de cet homme sans nom s'avère parfaitement justifié. Mais il serait cruel d'en dévoiler plus : Mademoiselle Chance est un roman mille-feuilles complexe et parfaitement maîtrisé, avec une architecture criminelle démentielle et pourtant limpide qui, lorsque l'on croit avoir vu le bouquet final, ménage encore des étincelles. Les mobiles du tueur sont à la fois crédibles et ont germé plusieurs générations avant sa naissance en un effet domino vertigineux. Comme le premier roman de l'auteur, c'est un roman noir, poisseux, violent traitant de la violence - dans un genre très différent, on pense au traumatisant film de Pascal Laugier Martyrs et son expression d'une souffrance absolue -, car au final, la conclusion offre un curieux humanisme ; et inutile de dire qu'on évite ici le manichéisme facile. Le tout est servi par une écriture de thriller sèche et dégraissée donnant à chaque rebondissement son aspect haletant, mais où transparaît une véritable rage d'écrire presque palpable, rendant la lecture électrique et viscérale - charnelle presque. Une véritable expérience de littérature à l'estomac tout en restant un excellent roman populaire bourré d'actions. On en sort le souffle court, épuisé, avec à la fois le plaisir d'avoir tenu en ses mains un bon thriller immersif en diable (attention aux nuits blanches...), et ce frisson que donne une pure émotion littéraire. Magistral, et certainement l'un des romans les plus forts de cette première moitié 2013. Oubliez les montages en sauce médiatiques et ne passez pas à côté de ce bijou…
Citation
En ces temps de vulgarité tout azimuts où les politiciens ressemblent à des candidats de jeux télévisés, Jacques Dragan serait l'ultime incorruptible d'un échiquier politique de fous se prenant pour des rois.