Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit du suédois par Frédéric Fourreau
Paris : Points, avril 2013
498 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-2147-3
Coll. "Policier", 3007
Printemps... suédois ?
Quatrième volume des "Quatre saisons" de son auteur, ce livre n'a rien de printanier, à part le mois de mai au cours duquel il se déroule. Il est en effet sombre à souhait et même assez sinistre. Il débute par l'explosion d'une bombe devant une banque de Linköping, ville moyenne de la province suédoise, ordinairement bien tranquille à l'ombre de son antique cathédrale et d'une université au contraire fort récente, tuant deux fillettes et blessant leur mère. La silhouette du poseur de bombe a été captée par une caméra de surveillance, mais elle est trop vague, sous sa capuche, pour être exploitable directement. Or, voici qu'un coupable s'auto-dénonce par voie informatique, revendiquant cet acte au nom d'un Front de Libération de l'Économie censé être en guerre contre les banques du pays et leur pouvoir sur les citoyens. Il est vite identifié comme étant un certain Johan Ludvigsson, mais sa revendication apparaît bientôt plus opportuniste que réelle. Il faut suivre d'autres pistes, par exemple parmi les bandes de motards qui ont tendance à se livrer à des actes de violence les unes contre les autres. Mais un événement imprévu oriente soudain l'enquête dans une autre direction : le décès de la mère de famille hospitalisée. Car il apparaît qu'il n'est pas la conséquence directe de ses blessures et qu'elle a en fait été assassinée, étouffée sous son oreiller. Dès lors, les enquêteurs sont amenés à s'intéresser aux victimes plutôt qu'aux hypothétiques coupables, pour tenter de démêler l'écheveau. Et ils découvrent un joli nœud de vipères, car les deux fillettes ont en fait été adoptées, après avoir été abandonnées par leur mère, fille d'une richissime famille du pays, que l'on finit par retrouver à l'état d'épave. Le finale sera plein de bruit et de fureur (se concluant sur une nouvelle explosion, destructrice du Mal, cette fois) après une plongée dans l'histoire plus que trouble d'une engeance que la cupidité a privée de toute humanité, mais qui n'est que trop représentative des mentalités de notre "belle" époque.
Ce roman, comme les précédents, est à classer dans la sous-catégorie des polars littéraires. Il est en effet très construit et met en œuvre différentes strates de monologues intérieurs – dont l'un, celui des fillettes, venu d'outre-tombe – qui s'enchevêtrent. Fidèle produit de son pays d'origine, il est aussi riche en considérations sur le Mal, son origine, sa nature... Au point de le rallonger notablement et même, disons-le, excessivement, car l'auteur aurait gagné à faire plus bref. C'est dommage, car l'intrigue est bien menée, sous la houlette d'une Malin Fors en proie au même mal-être que la quasi-totalité de ses collègues (littéraires ou non), même si c'est surtout à cause de son histoire personnelle. Il y a donc bien des échos d'un niveau du récit à l'autre et de nombreuses variations sur le thème de l'enfance malheureuse et de la responsabilité parentale. À noter aussi une symbolique centrée sur un animal peu courant sous nos latitudes : le varan. Les personnages sont convaincants et émouvants, le style soigné (même si le traducteur a du mal, comme tant d'autres, à insérer avec doigté les noms de lieu dans le flux du récit). Tout cela fait pencher la balance plus du côté "roman" que du côté "policier". J'aurai garde de m'en plaindre, mais les puristes du genre ne me suivront peut-être pas.
Citation
Cette fois, la limite a été franchie, se dit-il. Celui qui s'attaque aux enfants rompt le contrat universel qui lie les humains entre eux et il est impossible de le rétablir. Ces hommes ont définitivement renoncé à faire partie de notre société.