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Polar blanc outre-mer
C'est l'internationalisme du français qu'évoque Mikhaïl W. Ramseier, un auteur dont le patronyme n'offre pourtant que peu de sonorités francophones. Son intrigue met en scène des expatriés français au Canada, des Suisses qui fuient la routine helvétique et des Rouennais qui essayent de retrouver un nouvel équilibre. Tout ce petit monde débarque sur ce qui est sans doute la parcelle la plus hospitalière des confettis de l'impérialisme de la France : Saint-Pierre-et-Miquelon, un archipel au large du Canada où tout le monde se connait, où la neige et les tempêtes bloquent les communications avec le continent de manière régulière, où les rumeurs, les cancans, volent plus vite que l'argent n'arrive dans la poche des habitants. On croise sur ce coin un peu excentré une famille en pleine déliquescence avec le grand-père, encore vert, qui court la gueuse, la grand-mère qui souffre, la fille qui s'ennuie et le gendre qui ne rêve que de fuir, mais également une jeune graphiste qui veut relancer sa vie suivie comme son ombre par une post-adolescente perturbée qui entretient une relation masochiste et lesbienne, ainsi qu'un homme en recherche de lui-même.
Très axé sur les relations inter-personnelles, sur le roman choral qu'il développe, Ramseier oublie un peu son intrigue. Il prend son temps pour mettre en place les rapports tendus entre des personnages en quête de rachat ou tout du moins de reconquête d'eux-mêmes après des vies où beaucoup est à reconstruire, puis au dernier tiers du roman, la disparition du grand-père perturbe quelque peu la communauté et sa routine décalée. Mais comme les ondes sur l'eau, après un choc s'atténuent rapidement, de même l'enquête s'évapore dans le quotidien et le départ de certains recrachés par l'archipel car il est difficile de s'y adapter tandis que d'autres s'y installent, y trouvant un havre de paix, symbolisé par un final où l'un des protagonistes découvrant le cadavre du grand-père (sans doute impliqué dans une opération immobilière locale et dangereuse) décide de ne rien dire car après tout, tout est si calme sur ce territoire. Un polar décalé, distancié, trop peut-être, où la force des images - le titre fait évidemment référence à la mort qui nous attend tous -, prend le pas un peu trop rapidement sur l'intrigue. Voltaire évoquait le Canada comme une terre perdue de quelques arpents de neige, Noir linceul est un roman perdu de quelques images fautives.
Citation
Sur la plage, entre mer et caillasse, entre sable et coquillages, au milieu des plaques de neige moitié fondues et moitié gelées, des oiseaux gueulent, battent des ailes, se donnent des coups de bec, s'envolent, redescendent sur terre.