Contenu
Grand format
Réédition
Tout public
Pamiers : Wild Side, janvier 2012
19 x 14 cm
Coll. "Vintage Classics", 34
Prison pour femmes
Quand Claudette Colbert chipe le rôle à Olivia De Havilland, elle ne se doute pas à quel point le personnage qu'elle incarnera dans ce Captives à Bornéo va souffrir d'isolement, de faim et de sévices physiques et moraux. Le film de guerre dans le Pacifique de Jean Negulesco, tourné partiellement sur l'île en 1950, se base sur une histoire vécue et relatée dans le livre de la romancière américaine Agnes Newton Keith Three Came Home. Celle d'une femme qui avec son mari et son enfant font partie d'une communauté britannique sur l'île de Bornéo, et qui en 1942 voit débarquer les forces militaires japonaises. Les hommes et les femmes sont internés séparément, et "apprennent" l'humilité auprès de ces soldats à la culture orientale essentiellement basée sur la droiture et la fierté. Mais grâce à son aura d'écrivain, elle bénéficie de la bienveillance ambivalente du colonel Suga. Ceux qui ont vu Le Pont de la rivière Kwaï, auront reconnu Sessus Hayawaka, cet archétype de l'officier japonais. L'idée qu'il se fait de l'empire du Soleil levant, et sa totale soumission à son empereur Hiro Hito sont les mêmes dans les deux films. Son admiration pour l'œuvre compréhensive à l'égard des Orientaux de Agnes Newton Keith fait qu'il la protège lors de sa présence dans ce camp de prisonnières, mais cette protection disparait à l'occasion de ses absences (il est responsable de la totalité des camps de prisonniers sur l'île) et se retourne contre elle. L'histoire atteindra son apogée lorsque Agnes Newton Keith sera l'objet d'une tentative de viol par une nuit orageuse. Révoltée, elle ira se plaindre, puis sera torturée car refusant de révéler le nom de son agresseur (qu'elle n'a pas bien vu : tout ce qu'elle sait c'est que c'est un soldat). Film de guerre classique, scénarisé par Nunnally Johnson (Les Raisins de la colère), Captives à Bornéo ne dresse pas un portrait accablant du Japon, mais joue alternativement sur ses aspects noirs et blancs, et se conclue sur une étrange impression compréhensive - Hiroshima est évoqué avec la mort de la femme du colonel Suga et de ses trois enfants. Le thème de l'enfant et de la progéniture est d'ailleurs omniprésent - non seulement parce que Agnes Newton Keith protège pendant tout le film son enfant unique, un petit garçon de quatre ans (qui aura la malaria) que le colonel Suga compare sempiternellement au sien de trois ans, mais aussi parce que la romancière, enceinte d'une petite fille au début du film, finit par faire une fausse couche. L'une des ultimes scènes voit le colonel anéanti par la défaite et l'effondrement de son univers emmener en voiture des enfants dont le sien. Alors que Agnes Newton Keith attend de savoir si elle retrouvera son mari dont elle n'a aucune nouvelle depuis plus de deux ans, le sort semble s'acharner sur elle avec la disparition annoncée de son fils. La dramatique établie au début du film ne se repose pas. La vie est aussi mouvementée que le temps - qui offre quelques plans impressionnants de déluges et de tempête. L'absurdité de la guerre, elle, est particulièrement mise en avant lorsque des prisonniers de guerre australiens tentent d'escalader l'enceinte du camp des femmes et sont fauchés par les rafales de mitraillette d'un gardien japonais. Autant d'images particulièrement bien mises en images sous la direction d'un Jean Negulesco inspiré.
Captives à Bornéo (106 min.) : réalisé par Jean Negulesco sur un scénario de Nunnally Johnson d'après le roman de Agnes Newton Keith. Avec : Claudette Colbert, Patric Knowles, Florence Desmond, Sessus Hayakawa, Sylvia Andrew...
Citation
L'île de Berhala. C'est ici que, durant neuf mois, femmes et enfants de Sandakan furent retenus, affamés, dans un état de dégradation qui serait le leur tout au long de leur détention. C'est ici que nous ressentîmes pour la première fois, la plus cruelle des souffrances que la guerre inflige aux femmes : le vide solitaire et sans espoir d'une vie sans amour.