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L'ours dans les Pyrénées
Nous sommes au Pays basque où Jokin Sasko, un militant supposé de l'organisation séparatiste ETA vient de disparaître. C'est là chose habituelle et, normalement, au bout de quelques jours, l'on retrouve la personne soit blessée et se remettant de tortures subies, soit morte. Mais, là, rien. Tandis que la famille s'inquiète, deux journalistes aux méthodes opposées commencent leur enquête pour en savoir plus. Chacun de son côté, fait remonter à la surface des faits troublants.
Au départ, en recevant un sujet de ce genre, le lecteur a une inquiétude, celle née des lectures des romans populaires noirs de ces dernières années qui présentaient souvent un camp face à un autre, qui prenaient partie pour les autonomistes basques face aux "nazis" du GAL ou, plus rarement, pour les tenants d'une démocratie musclée face à de dangereux terroristes psychopathes. Marin Ledun se charge d'éviter ces écueils à travers le regard de différents protagonistes : les journalistes pris dans les contradictions de leur hiérarchie - vendre du journal ou plaire aux puissants ; la sœur du disparu qui veut connaître la vérité y compris en s'opposant à son autre frère lui aussi membre des réseaux indépendantistes ; un membre des commandos qui a capturé le disparu ; des gens qui participent de loin au financement ou à la logistique d'un des camps.
Une scène peut parfaitement résumer l'ambivalence du roman : Iban Urtiz, l'un des journalistes qui enquêtent, rentre chez lui et est sévèrement tabassé par des hommes cagoulés qui lui demandent d'oublier son enquête. Tout au long du roman, il se posera des questions, sans réellement, de manière sûre, pouvoir trancher si derrière les cagoules se cachent des autonomistes ou des membres d'un réseau antiterroristes. L'Homme qui a vu l'homme est une lente plongée dans la vie ordinaire, là où les idéologies disparaissent (où les rédacteurs en chef publient des articles signés mais pas écrits par les journalistes, afin de les discréditer), où les pulsions renaissent, où les mesquins secrets des puissants se cachent derrière des vertus morales, où l'injustice peut être utilisée comme une arme plus que comme une revendication d'égalité. La sœur du disparu se rend compte que finalement la mort de son frère (fruit de tortures mais "somme toute" accidentelle) est utile à la cause des indépendantistes qui érigent un martyr au détriment même de la vérité de son frère. Tout est subtilement absurde, fruit de compromissions de toutes natures, servi par un style qui sait évoquer autant la peur que l'espoir possible, avec un fin filet d'humour.
On en parle : La Tête en noir n°167
Nominations :
Mille et une feuilles noires 2014
Prix Polar Michel Lebrun
Prix Polar Michel Lebrun 2014
Grand prix de la littérature policière - roman français 2014
Citation
En se précipitant dans les toilettes pour vomir, il se prend même à espérer que la liberté de la presse a encore de beaux jours devant elle.