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Grand format
Réédition
Tout public
Noël Simsolo (présentation)
Paris : 20th Century Fox, janvier 2010
19 x 14 cm
Terres de feu
Pour son premier film en couleur, John Ford s'attaque à un épisode (fictif) de la guerre d'indépendance américaine avec l'extraordinaire John Carradine en Tory anglais avec bandeau maléfique à l'œil et le couple non moins brillant formé par Claudette Colbert et Henry Fonda. Inversant la narration à laquelle on est habitué, le réalisateur américain débute son film par le mariage de nos deux héros nés sur le continent américain qui partent convoler en justes noces dans la vallée des Mohawks. Là-bas, Gilbert "Gil" Martin a construit pour sa femme Lana une maison en bois au milieu de ses terres. Sur le chemin, dans une auberge, ils croisent déjà Caldwell, cet Anglais qui va aller tenir des promesses de sansonnet au peuple Mohawk. L'arrivée est rude pour Lana d'autant qu'elle fait une crise de nerf après sa rencontre avec Blue Back, un indien converti au christianisme qui n'aura de cesse de s'écrier "Alléluia !" presque à tout propos, et qui au final récupèrera le bandeau de Caldwell. La révolte gronde et elle se fera en trois temps tous aussi différents. Les indiens vont d'abord brûler les fermes. Une action sans suite mais qui contraint Gil et Lana à aller vivre comme métayers dans une propriété tenue par une vieille veuve excentrique. L'enrôlement de Gil change cependant la donne. John Ford filme le départ sérieux, propre et ordonné, choisit volontairement (contrairement à ce que voulait sa production) de faire une ellipse sur la bataille, et s'appesantit sur le retour de soldats la mine défaite et les corps meurtris malgré une victoire (certes à la Pyrrhus). Ingéniosité du réalisateur, Henry Fonda narre la bataille comme si on y était. Troisième acte de la révolte des Mohawks, le fort où se sont réfugiés les Américains est assiégé (il y a juste avant une jolie scène qui est là pour montrer à quel point les Mohawks sont pacifiques et manipulés par les Anglais, lorsque deux d'entre eux mettent le feu à un lit qu'ils vont ensuite descendre de la maison sur les injonctions de la vieille veuve énervée). Un modèle d'intensité et de créativité. Il y a tout dans cet encerclement puis assaut qui sera étrangement repris bien des années plus tard dans Le Seigneur des anneaux (épisode de la bataille du Gouffre de Helm), et surtout cette extraordinaire course-poursuite entre le personnage de Henry Fonda et trois Mohawks dans la forêt, le premier devant alerter une garnison. Mais là où John Ford excelle - en dehors du soin qu'il prend à filmer le feu -, c'est qu'il maintient l'équilibre des rôles échus à Claudette Colbert et Henry Fonda, l'actrice franco-américaine prenant de plus en plus d'importance à mesure que la trame avance, finissant même par prendre les armes. Il n'en oublie pas également d'apporter une touche sociétale, traite de la naissance et de la mort, de l'importance de s'entraider et de la naissance d'une nation réunie autour d'un couple de pionniers, d'un indien évangélisé et d'une femme noire. Une vision idéaliste pour un film lyrique somme toute très fordien hautement tenu par un casting de qualité.
Sur la piste des Mohawks (99 min.) : réalisé par John Ford sur un scénario de Lamar Trotti, Sonya Levien et William Faulkner d'après un roman de Walter D. Edmonds. Avec : Claudette Colbert, Henry Fonda, Edna May Oliver, Eddie Collins, John Carradine, Chef John Big Tree...
Bonus. Présentation du film par Noël Simsolo. "Naissance d'une nation" (46 min.) entretien avec Jean Narboni.
Citation
J'ai des nouvelles inquiétantes qui vont assombrir ce Sabbat. Le général Washington nous a informés qu'une armée ennemie, composée de Tories et d'indiens sauvages, se dirige sur notre vallée bien aimée. Tout homme capable de prendre les armes, entre seize et soixante ans, devra se présenter demain matin au général Herkimer.