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Jonquilles noires
La très charismatique Joan Bennett, habituée à être dirigée par Fritz Lang (puisqu'elle est l'héroïne malheureuse de Chasse à l'homme et surtout la femme au portrait dans le film éponyme), endosse le rôle de Celia Barrett, une riche héritière qui séjourne au Mexique pour mieux réfléchir à l'idée de se marier. Témoin médusée d'une bagarre au couteau, elle ne tarde pas à être séduite par un bel architecte (et comment ne pas l'être puisqu'il s'agit du Britannique Michael Redgrave celui-là même qui a débuté dans Une femme disparaît, d'Alfred Hitchcock) du nom de Mark Lamphere. Refusant de suivre son instinct, se fiant à son cœur, Celia épouse cet homme qu'elle ne connait pas, qui part pour son travail dès le lendemain, et l'enjoint de le rejoindre dans sa maison aux environs de New York. Celia Barrett va de surprise en surprise : non seulement son mari n'est pas là, mais il se trouve dans cette maison un fils, une sœur et une secrétaire. Le fils n'aime pas son père, la sœur est vampirique et la secrétaire, défigurée lors d'un incendie au cours duquel elle a sauvé l'enfant de Mark, est amoureuse de son patron. Mark, lui, est à la limite de la schizophrénie, il est de toute évidence bipolaire et passe aisément d'un état enjoué à un très morose. Certains symboles comme des brins de lilas semblent l'hypnotiser et montrent son côté particulièrement obscur et, surtout, il a une marotte bien particulière : il collectionne les scènes de crime qu'il a reconstituées scrupuleusement dans sept pièces. Et la septième, il ne souhaite la montrer à personne...
Fritz Lang renouvelle à sa manière le thème de Barbe Bleue en proposant un étrange tueur en série par procuration qui ne peut manquer d'être son propre copycat fataliste. Celia croit fermement qu'il a tué sa précédente femme et que derrière cette porte fermée à clé se trouve la preuve du méfait de son mari. Elle décide alors de faire un double de cette clé qui ouvre une pièce qui est une véritable boîte de Pandore et qui lui ouvre surtout les yeux. Si elle n'est pas au bout de ses surprises, elle va connaitre la crainte de mourir, et les coups vont pleuvoir de tous côtés. Alliant réalisme et onirisme, s'intéressant de près à l'utilisation du feu, profitant d'imbroglios forts à propos et de rebondissements ingénieux, Fritz Lang impose un film qui hésite entre noir et thriller avec une double dose psychologique et psychanalytique. L'on est en droit de trouver la fin un tantinet simplissime et eugénique, mais l'interprétation de tous les acteurs, excellemment dirigés, est brillante dans un noir et blanc sobre et efficace magnifié par les ombres créées par les bougies de chandeliers en argent. Le couple Joan Bennett/Michael Redgrave s'impose comme une évidence et n'a de cesse de faire des étincelles - on croit à cette relation minée par une crise de confiance. C'est une très bonne idée que de ressortir ce film dans une jolie version remasterisée sur le thème du double qui se confronte à nos marottes les plus secrètes que n'aurait pas renié sir Alfred Hitchcock. Avec une belle pointe de culpabilité en plus...
Le Secret derrière la porte (99 min.) : réalisé par Fritz Lang sur un scénario de Silvia Richards, d'après le roman Museum Piece No. 13 de Rufus King. Avec : Joan Bennett, Michael Redgrave, Anne Revere, Barbara O'Neil, Natalie Schafer, Paul Cavanagh, Virginia Brissac...
Citation
Je me souviens... il y a longtemps, j'ai lu un livre qui disait le sens des rêves. Si une jeune fille rêve d'un bateau, elle parviendra à bon port. Mais qu'elle rêve de jonquilles, elle court un grand danger. Mais je ne vais pas penser au danger ! Aujourd'hui je me marie !