Actionnaire Principal

Quelle catastrophe, la vie, quel carnage. Elle voit la sienne comme un paysage dévasté par la guerre où subsistent ça et là des garennes miraculeusement épargnées, des petits chemins où les adolescents s'embrassent, cachés derrière les arbres, des halliers abandonnés entre les cratères de bombes, des landes négligées par les armées belligérantes.
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jeudi 21 novembre

Contenu

Roman - Thriller

Actionnaire Principal

Politique - Tueur en série - Géopolitique MAJ vendredi 01 octobre 2010

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Pétros Márkaris
Βασικό Μέτοχο - 2006
Traduit du français par Caroline Nicolas
Paris : Le Seuil, mars 2009
384 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-020-932653
Coll. "Policiers"
Les Enquêtes du commissaire Costas Charitos, 5

Actualités

  • 03/09 Édition: Parutions de la semaine - 3 septembre
    Les amateurs de thrillers et autres suspenses trouveront chez Albin Michel de quoi assouvir leurs pulsions avec des romans de Lisa Gardner et Patrick Bauwen. Au rayon des romans très noirs, Colin Harrison aux Presses de la Cité et surtout David Peace chez Rivages avec la suite de sa trilogie dans Tokyo sont des éléments de choix. Alors que l'on peut également se replonger dans André Héléna chez Plon. Les parutions de cette semaine sont plutôt nombreuses. D'ailleurs, rentrée oblige, nombre d'auteurs ont un roman en poche qui sort conjointement avec un roman en grand format (Bauwen, Peace, Patterson, Kellerman). L'on pourra s'interroger sur cette mauvaise manie qu'a Points de renommer certains romans - Les Amis du crime parfait rebaptisé en Le Club du crime parfait alors même que le titre espagnol du roman d'Andrès Trapiello est Los amigos del crimen perfecto... Quant à Actionnaire principal, de Pétros Márkaris, difficile de le reconnaître sous son nouveau titre Publicité meurtrière... Quel en est l'intérêt ? Sinon, comme d'habitude, faites votre choix !

    Grand format
    Seul à savoir, de Patrick Bauwen (Albin Michel, "Thrillers")
    Le Cri de l'engoulevent, de Kjell Eriksson (Gaïa)
    Ces demoiselles des Ursules, de Philippe Forissier (Actes graphiques, "Le Polar stéphanois")
    La maison d'à côté, de Lisa Gardner (Albin Michel, "Spécial suspense")
    Meurtres pour rédemption, de Karine Giébel (Fleuve noir, "Noirs")
    L'Étouffoir, de Phillip Gwynne (Payot, "Suspense")
    L'Heure d'avant, de Colin Harrison (Belfond, "Noir")
    Le Demi-sel, d'André Héléna (Plon, "Noir rétro)
    Pour la place du mort, de Charlie Huston (Le Seuil, "Thrillers")
    Habillé pour tuer, de Jonathan Kellerman (Le Seuil, "Thrillers")
    Permettez-moi de ne pas signer, de Djuro Luy (Biro, "Art noir")
    Les Fantômes du passé, de Roger Martin (Le Cherche Midi)
    Du plomb dans les spaghettis, de Pierre Mazet (Elytis)
    Une ombre sur la ville, de James Patterson (L'Archipel, "Les Maîtres du suspense")
    Tokyo, ville occupée, de David Peace (Rivages, "Thriller")
    Vice caché, de Thomas Pynchon (Le Seuil, "Fiction & Cie")
    Box 21, d'Anders Roslund & Börge Hellström (Presses de la Cité, "Sang d'encre")
    Shanghai Moon, de S. J. Rozan (Le Cherche Midi)
    De sinistre mémoire, de Jacques Saussey (Nouveaux auteurs)
    Bunker, d'Andrea Maria Schenkel (Actes sud, "Noir")
    Église électrique, de Jeff Sommers (Bragelonne, "Avery Cates")
    Ceux qui se cachent, de Carlene Thompson (Succès du livre)
    L'Hiver des lions,de Jan Costin Wagner (Jacqueline Chambon)
    Le Jugement de Salomon, de Patrick Weiler (Biro, "Art noir")
    Mortelles matrices, de Jean Winther (Les Éditions du bord du Lot)

    Poche
    Double jeu, de Jeff Abbot (LGF)
    Monster, de Patrick Bauwen (LGF)
    L'Odyssée de la poisse, d'Antoine Chainas (Baleine, "Le Poulpe")
    Crimes d'amour et de haine, de Jonathan & Faye Kellerman (Points, "Policiers")
    Un pays à l'aube, de Dennis Lehane (Rivages, "Noir")
    Mort d'un maître de go, de Frédéric Lenormand (Points, "Policiers")
    Année zéro, de Jeff Long (City, "Poche")
    Publicité meurtrière, de Pétros Márkaris (Points, "Policiers")
    Les Veilleurs, de Vincent Message (Points, "Policiers")
    Le Noyé du Grand Canal, de Jean-François Parot (10-18, "Grands détectives")
    La 6e cible, de James Patterson (LGF, "Thrillers)
    Tokyo, année zéro, de David Peace (Rivages, "Noir")
    Ouragan sur l'Adriatique, de Don Pendleton (Vauvenargues, "L'Exécuteur")
    Le Masque de San Marco, de Nicolas Remin (10-18, "Grands détectives")
    Allez donc faire ça plus loin, de San-Antonio (Fleuve noir, "San-Antonio")
    Certaines l'aiment chauve, de San-Antonio (Fleuve noir, "San-Antonio")
    Trahison à froid, de Charles Todd (Archipoche, "Archipoche")
    Le Club du crime parfait, d'Andrés Trapiello (Points, "Policiers")

    Liens : Un pays à l'aube |Shanghai Moon |Les Amis du crime parfait |Ceux qui se cachent |Patrick Bauwen |Antoine Chainas |Lisa Gardner |Karine Giébel |Colin Harrison |Jonathan Kellerman |Dennis Lehane |Frédéric Lenormand |Pétros Márkaris |Roger Martin |Pierre Mazet |Jean-François Parot |James Patterson |David Peace |S. J. Rozan | San-Antonio |Andrés Trapiello |Jan Costin Wagner |Carlene Thompson |Andrea Maria Schenkel

Ce qu'il faut savoir sur la série

Charitos Kostas. Commissaire de police criminelle, à Athènes. Vit quasiment dans cette ville depuis des lustres sans en sortir. Marié, une fille, universitaire. Bon père de famille, ce flic hors norme, célèbre dans toute la Grèce, sait ne pas subir la Loi et l'enfreindre le cas échéant, lorsqu'il le juge bon. Un sens éthique particulièrement aiguisé.
Dévoué à sa fille, il s'est saigné pour qu'elle parvienne à achever ses études. Mais il est sans illusion sur la société dans laquelle elle devra s'insérer. Lui-même, volontiers désobéissant, se moque de la hiérarchie, bien que dans le système grec, en tant que commissaire de la crim' à Athènes, il en soit au sommet. Croit à son boulot, pas à ses représentations. Incontrôlable donc. Énergique, franc, abrupt, voire menaçant dans son souci de justice. Ne redoute rien. Lis continuellement le Dimitrakos (dictionnaire encyclopédique grec), et réfléchit sur l'éthique policière. En particulier sur le problème de la violence, surtout quand elle est l'apanage de l'État dans une société démocratique. Engagé sous la dictature des Colonels, fait face à cette mémoire douloureuse.
Sa méthode reste néanmoins musclée : on sauve le noyé en l'attrapant par les cheveux. Bref, un homme qui fait toujours face, quelles que soient les circonstances. Ne se dérobe jamais, ni dans sa fonction de flic, ni dans ses obligations familiales. Un for intérieur énorme, qui l'engage toujours dans des conversations intenses avec lui-même. Fidèle en amitié, en particulier avec ce vieux communiste qu'il a connu dans les geôles des Colonels. Humaniste, certainement, mais sans condition.

Une sortie dangereuse du cadre de la Loi

Avec Le Che s'est suicidé (Le Seuil, 2006), Pétros Márkaris avait déjà signé une enquête très réussie du commissaire Kostas. Il réitère dans l'excellence avec ce nouvel opus. Quelques jours après le dîner de thèse de sa fille (sur le terrorisme), le commissaire apprend qu'elle fait partie des passagers de l'El Greco, un paquebot de plaisance que des terroristes viennent de détourner. Kostas n'est pas invité à participer aux négociations que le Ministre s'empresse de diligenter, mais il n'a que faire des avis dudit ministre et s'y précipite. Rappelé à Athènes pour enquêter sur l'assassinat d'une vedette de la pub du petit écran, la priorité du commissaire reste évidemment cette affaire de détournement.
On se dit que c'est le vrai thème du roman, et pourtant non. Après diverses péripéties intrigantes (les terroristes sont les premiers de leur genre : des volontaires grecs pour la Bosnie serbe), le détournement réglé, Kostas revient aux crimes de la Capitale avec d'autant plus de force qu'il s'agit de l'œuvre d'un tueur en série qui veut rien moins qu'éliminer la pub du paysage télévisuel national... Les "vedettes", assassinées avec un Luger de la dernière guerre, sont en effet toutes des stars de la pub.
Une analyse sémantique du vocabulaire déployé par le meurtrier permet au commissaire de préciser l'âge et l'idéologie du bonhomme, qui nous ramène dans le sillage des terroristes de l'El Greco. D'un coup, c'est non seulement le Kosovo et la Bosnie qui nous reviennent en pleine figure, mais tout le passé grec, depuis la résistance à l'Allemagne nazie jusqu'à la dictature des Colonels. Dossiers aujourd'hui encore brûlants, qu'on en juge : les minorités grecques chrétiennes réclament toujours d'être innocentées des massacres de musulmans qu'elles n'ont pas commis, mais que l'Union Européenne a trouvé commodes de leur faire endosser...
On sent dès lors passer dans le récit un fort ressentiment à l'égard de l'Union Européenne, exacerbé par les remontées de l'histoire des Colonels, l'occasion de vigoureuses observations du commissaire sur cette période tragique où, en Grèce, la violence aveugle était la règle. Sans parler de la réflexion qui fonde le titre énigmatique du roman - L'Actionnaire principal -, qui n'est autre que la pub, dont la logique conditionne tous les secteurs d'activité de nos sociétés démocratiques. Le tout finement décrypté, sans que jamais le discours ne prenne le pas sur l'intrigue, la narration ou le style.
Pétros Márkaris nous offre ainsi un thriller brillant, profond et convaincant. Du très grand art, assurément. Et ce jusqu'au point final, dans ces retrouvailles du commissaire avec ce siècle de honte qui fut le nôtre, ou son face-à-face avec le tueur, qu'il abandonne à sa rage stérile sans en informer la Justice. Une sortie dangereuse et très inquiétante du cadre de la Loi, qui donne passablement à méditer.


On en parle : Alibis n°33

Citation

Il n'existe aucune attaque Tchétchène qui n'ait laissé davantage de morts que de vivants.

Rédacteur: Joël Jégouzo vendredi 27 décembre 2013
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