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La Méthode du crocodile
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'italien par Jean-Luc Defromont
Paris : 10-18, juin 2014
312 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-06355-7
Coll. "Domaine policier", 4796
Larmes en série
La ville de Naples a été chantée et a servi de décor paradisiaque à nombre de fictions. De plus en plus, elle sert de cadre à des récits moins romantiques, avec les déferlements de violence de la Camorra. Maurizio De Giovanni reprend cette seconde présentation avec une intrigue tortueuse à souhait, servie par une galerie de personnages marquants.
La mort arrive à Naples sous l'aspect d'un vieillard anodin qui passe inaperçu. Il a tout préparé, tout prévu. Il vient pour accomplir une vengeance ourdie depuis de nombreuses années.
Un repenti, un ami d'école, a désigné l'inspecteur Guiseppe Lojacono comme un indicateur de la mafia. Celui-ci a été muté de Sicile à Naples. Son épouse l'a quitté et sa fille adolescente refuse de lui parler. Bien que mis au placard, avec interdiction de participer aux opérations, il se retrouve de garde la nuit où un garçon de quatorze ans est tué d'une seule balle dans la tête. Sur place, il relève quelques indices avant que le commissaire Di Vincenzio le chasse. Avant de partir, il fait part à Laura Piras, la substitut du procureur, qui veut entendre le premier arrivé sur les lieux, de ses premières constatations, et de la présence de mouchoirs en papier usagés.
Une adolescente est tuée de la même façon quelques jours plus tard avec, près du corps, des mouchoirs usagés. Il n'en faut pas plus pour qu'un journaliste surnomme l'assassin le Crocodile, rappelant ainsi que cet animal, une véritable machine de guerre, verse des larmes en mangeant ses proies.
Lojacono se retrouve au centre de l'affaire, imposé par Laura Piras qui le trouve bon enquêteur avec ses intuitions. Avec l'une d'elles, commence alors une course contre la montre, contre la mort...
Ce polar, aux allures de thriller, conjugue avec la même intensité les deux ferments de l'histoire que sont la haine et l'amour. L'auteur joue sur tous les registres de ces sentiments. De l'amour salvateur, l'amour destructeur, au manque d'amour par la disparition ou la fuite de l'être aimé, toutes ces situations sont mises en scène avec une exceptionnelle galerie de personnages. Le romancier décortique, ainsi, les motivations des uns et des autres, explorant les corollaires de ces émotions tels que la solitude, la vengeance, l'isolement. Mais, il fustige l'intransigeance, la rigueur morale ou religieuse poussée à l'extrême qui amène l'être aimé à des actes répréhensibles et veules.
Une partie du récit est basée sur l'amour maternel ou paternel, considérant que la pire des choses est la perte d'un enfant, une douleur dont on ne se remet jamais. Il construit son intrigue sur cet axiome, une intrigue d'une grande sensibilité, aux ressorts parfaitement huilés, aux rebondissements précisément conçus et orchestrés. Avec sa vision sans fard de l'amour et de la haine, l'auteur propose une violente mise en scène de ces sentiments.
Il s'attache aux vies brisées par des circonstances imprévisibles et incontrôlables. Il sait que l'existence est fragile et qu'il suffit d'un détail pour qu'une vie bascule, pour la personne touchée, et pour son entourage.
Il porte un regard peu amène sur les services de police, faisant des descriptions acides sur les représentants de ces institutions.
La Méthode du crocodile, par sa qualité, par la force de son intrigue, conforte le sentiment que se développe une remarquable littérature policière transalpine.
Citation
La chance n'a rien à voir là-dedans. Il prépare ses coups, tout simplement. Il prépare tout, pas à pas. C'est une question de méthode : celle du crocodile. Il se met à l'affût, il observe, il attend. Et quand la proie est à portée de main, il frappe.