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Grand format
Réédition
Tout public
Serge Bromberg (présentation)
Paris : Montparnasse, mars 2006
19 x 14 cm
Coll. "RKO", 71
Honni soit qui mal y peste
En 1945, Boris Karloff vient de signer un contrat de trois films pour les studios de la RKO. Au sortir du très réussi Le Récupérateur de cadavres sous la direction de l'immense Robert Wise et avant Bedlam de Mark Robson, il est au premier plan de cette Île des morts, saisissant huis-clos insulaire sur fond de violation de tombe, de guerre, de fléau, de croyance et de folie. Le film nous baigne dans une ambiance qui flirte entre fantastique et gothique, mais revêt bien des aspects du meurtre en chambre close assorti à un élément psychologique. De fait, s'il y a bien un meurtre commis au trident vers la toute fin du film, les morts sont nombreuses, les causes tout autant et l'atmosphère oppressante. L'histoire se déroule en pleine guerre des Balkans, en 1912. Boris Karloff, qui porte le film presque à lui tout seul avec ce regard fiévreux et hypnotique du haut d'un corps presque décharné, famélique, en tout cas qui sera sujet à la peste, interprète le général Phéridès. Homme de guerre et d'honneur, il entend que ses compagnons soient à sa hauteur morale. Au lendemain d'une victoire, alors que ses soldats enterrent les morts pour éviter les épidémies, il se rend sur l'Île des morts visiter le tombeau de sa bien aimée en compagnie d'un journaliste américain. Hélas, le tombeau a été profané et la tombe est vide. C'est alors qu'un étrange chant conduit les deux hommes jusqu'à une maison tenue par un Suisse. Dans cette masure, outre une servante grecque qui croit à l'existence de vampires fruits de superstitions fortement implantées et de l'image de Vorvolaka, double méphitique de la déesse Aphrodite, se trouvent un marchant anglais, et un couple diplomatique britannique avec leur domestique. Alors que la femme dépérit d'une longue maladie, la domestique semble reprendre des couleurs. Elle sera l'objet d'étranges rumeurs. Quand le marchand anglais est retrouvé mort de la peste, l'île est soumise à la main de fer du général qui l'enserre dans une quarantaine malsaine. Alors que tous attendent le sirocco qui asséchera tout ça et fera fuir les puces qui véhiculent le bacille, qu'un docteur est venu pour se sacrifier, les morts s'enchainent, les haines et les rancœurs s'amoncellent et la folie ressurgit. Les décors s'inspirent de l'œuvre éponyme du peintre symbolique Arnold Böcklin, très aimé du producteur Val Lewton et déjà présent dans le saisissant Vaudou de Jacques Tourneur. Son aspect énigmatique retracé en trois dimensions vampirise un film dramatique qui oppresse et fascine par sa maestria à survoler tous les possibles de la mort de façon clinique et pourtant fantasmée. Cela en fait une véritable curiosité d'art allégée par une romance qui offre une fin heureuse.
L'Île des morts (72 min.) : réalisé par Mark Robson sur un scénario de Ardel Wray. Avec : Boris Karloff, Ellen Drew, Marc Cramer, Katherine Emery, Helen Thimig, Alan Napier, Jason Robards Sr., Ernst Deutsch...
Bonus. Présentation de Serge Bromberg.
Citation
C'est à cause des conquêtes et de l'oppression que le peuple grec laissa ses légendes se transformer en superstitions. La déesse Aphrodite devint Vorvolaka. Cette créature de cauchemar hantait encore les paysans quand la Grèce remporta la guerre des Balkans de 1912.