Contenu
La Ville de la vengeance
Grand format
Inédit
Tout public
Patrick Brion (présentation)
Yves Boisset (présentation)
Paris : Sidonis, juillet 2014
19 x 14 cm
Coll. "Western de légende"
Antihéros messianique
La Ville de la vengeance (1957) est l'un des derniers westerns du réalisateur Allan Dwan et l'un des plus étranges. Les décors de cette ville sont minimalistes et reflètent l'absence de budget pour un film où la ravissante et très naturelle Anne Bancroft donne la réplique à Scott Brady, un homme au visage de fer et au torse impressionnant.
Nous sommes au Texas, à la frontière avec le Mexique. Et dans cette petite ville qui héberge nombre de contrebandiers, les tueurs font la loi et assassinent les uns après les autres les shérifs. Le gouvernement américain a envoyé Frank Baker, l'un de ses agents secrets, et l'a chargé de recueillir des preuves de la culpabilité de Newton. Mais Frank Baker est lâchement abattu de dos par un tueur de sang-froid. Si un regard suffit à tuer, celui qui va porter sur les habitants de la localité Mitch Baker est du genre dont on ne se remet pas. Fils de Frank Baker, l'agent gouvernemental éliminé éhontément, cette fine gâchette est en proie à une sourde colère. Il débarque à l'insu de sa hiérarchie (fils de son père contre sa volonté, il a épousé la même profession et cultive le goût du maniement des armes à feu), s'installe dans une mission tenue par un père non ordonné aux sentiments troubles, et ne tarde pas à aller faire régner l'ordre dans un saloon après qu'un énième shérif ait trouvé la mort à l'issue d'un échange de coups de feu croisés (un contre trois : autant dire qu'il n'avait pas une seule chance de s'en sortir).
Bien entendu, le téléspectateur sait que l'ordre va être rétabli. La question qui se pose est : à quel prix ? Scott Brady est un étrange (anti)héros messianique. D'abord parce qu'il se laisse à la fois emporter par la colère, la passion et la boisson. Ensuite parce que revêtu des oripeaux de la loi (un insigne remis des mains d'un autre shérif mourant meilleur ami de son père), il joue d'une fine psychologie pour amener ceux qu'il se doit d'arrêter à une mort certaine - lui se retrouvant en état de légitime défense. Ce n'est pas un héros sympathique. Les élans de tendresse qu'il ressent pour Angelita, la femme portée à l'écran par Anne Bancroft, une métis rejetée par l'ensemble de la population, danseuse et déclinaison avouée d'Esmeralda (le parallèle est d'autant plus saisissant quand Allan Dwan filme le visage en gros plan du révérend Simmons en proie aux affres de la jalousie. Il nous fait alors penser à l'archidiacre de Notre-Dame de Paris, Claude Frollo), l'emmènent tout droit à la brutalité et à la bestialité. Pourtant, l'on pourrait être amenés à penser que cet amour naissant partagé va permettre à Mitch Baker de revenir sur la voie de la rédemption. Il n'en sera rien.
Mais le retour de la force qui reste à la loi propose des scènes très intéressantes comme ces deux tueurs cueillis alors même qu'ils tendaient une embuscade à Baker, et qui sous la menace d'une arme marchent au pas genoux exagérément levés vers le saloon où on les force à une pantomime de danse. Sûrement pas le western des années 1950, mais un western honnête de série B. avec de jolies trouvailles (l'adolescent qui espionne, qui est lâche et qui aimerait tuer ou faire tuer ; le combat de coqs initial ; la partie de poker où le révérend se retrouve contraint de jouer et de gagner), des interprètes à la hauteur, un couple qui fonctionne plutôt bien et une tension dramatique forte.
La Ville de la vengeance (86 min.) : réalisé par Allan Dwan sur un scénario de Steve Fisher. Avec : Scott Brady, Anne Bancroft, Jay C. Flippen, Jim Davis, Leo Gordon, Rhys Williams, Scott Marlowe, Myron Healey...
Bonus. Présentation d'Yves Boisset. Présentation de Patrick Brion.
Citation
- Garde les mains en l'ai et jette tes armes.
- Menacer un ivrogne. Quel genre d'homme êtes-vous ?
- Le genre à lui tirer dans le ventre s'il n'obéit pas.